Paris, avril 1776Le garçon ressortit du Salon la tête baissée, sa toile sous son bras droit. Cette fois encore les critiques d'arts n'avaient pas apprécié son travail et son tableau avait été refusé pour la cinquième fois consécutive.
Ces derniers avaient déclaré que son œuvre s'inscrivait trop dans l'ancien mouvement artistique qu'était le rococo et que ce n'était plus ce que les gens recherchaient. Ainsi, son œuvre pour laquelle il avait passé deux ans à travailler jour et nuit dans son atelier avait été encore refusée.
Il poussa un long soupir. Sa carrière en tant que peintre touchait à sa fin et il le savait. Lui qui six ans auparavant avait eu tant de succès se retrouvait à présent contraint de changer de voie.
Avant il n'aurait eu aucun mal à conquérir les critiques d'arts, mais depuis ce jour, oui, depuis que sa mère avait succombée à la tuberculose, l'inspiration l'avait totalement quitté. N'ayant plus personne, sa mère étant sa seule amie, celui-ci était rapidement tombé au plus bas et avait passé des nuits entières devant sa toile immaculée.
Oui, c'était depuis ce jour que le garçon âgé de vingt deux ans, garçon dont tout le monde s'accordait à dire qu'il aurait une grande carrière, finit dans l'alcool et au bord de la dépression.
Sa toile n'était pas si bonne et il le savait. Mais il savait également qu'elle n'était pas mauvaise. Il avait beau avoir été saoul presque quatre-vingt dix pourcent du temps où il l'avait peinte, il savait que si il l'avait présenté ne serait-ce que quatre ans auparavant elle aurait été accueillit à bras ouverts.
Le jeune homme déambulait à présent dans les rues de Paris, les larmes aux yeux. Il détestait ce qu'il était devenu, un homme alcoolique incapable de pratiquer sa passion ; la peinture.
Désespéré, tel était le mot qui le définissait le mieux en cet instant précis. Au loin, celui-ci vit un pont où il se dirigea d'un pas lent.
Une fois arrivé à celui-ci il jeta un œil à la Seine, fleuve présent dans la capitale. Des marchands naviguaient lentement sur l'eau claire, leurs barques suivant les mouvements du courant. En tant normal cette vision aurait apaisé le jeune homme, mais cette fois-ci ce ne fut pas le cas.
Il craqua.
— Putain, s'écria-t-il en frappant le pont de son poing, lui faisant ainsi lâcher sa toile. Qu'est-ce que je vais devenir sans mon travail ?!
Ses larmes qui étaient jusqu'alors restées au coin de ses yeux, s'autorisèrent enfin à couler.
— Putain, putain, répéta-t-il en se défonçant les phalanges sur le pont en briques. Critiques d'arts de merde !
Il prit sa tête dans ses mains et s'effondra au sol où il se mit à sangloter. Quand soudain, une voix s'adressa à lui.
— Hum, pas mal, déclara une voix masculine.
Le garçon releva la tête en direction de l'inconnu.
Un homme, beau brun aux yeux bleus, se trouvait à quelques mètres de lui, sa toile dans les mains. Celui-ci la regardait sous tous les angles, lâchant de petits signes de tête approbatifs.
— Vraiment pas mal gamin, déclara-t-il à nouveau.
— V-Vraiment...? Demanda timidement le jeune peintre.
L'homme acquiesça.
— Vraiment, lui confirme-t-il. Elle est pas mal, mais pas parfaite. Si tu veux mon avis les couleurs sont un peu trop vives, et le sujet fait très...
— Rococo, le coupa-t-il la tête baissée. Je sais, on me l'a déjà dit.
— Je vois, lâcha-t-il d'un air perplexe. C'est donc pour ça que tu chiales comme une gonzesse ? Demanda-t-il en arquant un sourcil.
Face à cette remarque le peintre se releva et d'un revers de la main essuya les quelques larmes qui finissaient de déferler ses joues.
— Non, si je chiale comme une gonzesse c'est parce que je suis un raté pas foutu de peindre une toile convenable. D'ailleurs si vous l'aimez tant, continua t-il, vous n'avez qu'à la garder.
Le garçon allait partir mais son interlocuteur l'interpella à nouveau.
— C'est quoi ton problème exactement ? Tu sais tout ce que les gens seraient prêt à faire pour avoir ne serait-ce qu'un dixième de ton talent ? Dit-il en indiquant son œuvre.
— Non, mais je suppose que vous allez me le dire, répondit-il en un rictus.
— N'importe quoi, ces gens feraient n'importe quoi. Certains iraient même jusqu'à aller vendre leur mère pour réussir à peindre une toile comme la tienne.
Cette remarque amusa le garçon, et un faible sourire prit place au coin de ses lèvres.
— Voyez-vous monsieur, le problème est que là j'ai touché le fond. Je n'ai plus de famille, pas d'amis, suis alcoolique, et la seule chose qu'il me restait était mon art. Seulement voilà, cela fait deux ans que je n'ai plus d'inspiration pour mes œuvres, alors hormis si vous pouvez m'en donner, je vais vous demandez de me laisser en paix.
Et pour la seconde fois le garçon allait partir, mais pour la seconde fois le brun l'en empêcha.
— Alors je ne vais pas te laisser partir, car je peux t'aider.
C'est surpris que le garçon se retourna. Un regard interrogatif avait prit place sur son visage.
— Je peux t'aider, répéta-t-il, et je vais t'aider. Mais avant tout je veux que tu me promettes une chose, je ne veux plus que tu boives une seule goûte d'alcool, est-ce clair ? Je ne ferai pas d'efforts si toi-même de ton côté tu n'en fais pas.
Sans vraiment savoir pourquoi le garçon acquiesça. Certes, il ne connaissait cet homme que depuis quelques minutes, mais quelque chose en lui lui disait qu'il pouvait lui faire confiance.
— Bien, maintenant que cela est fait je veux que tu m'emmènes à ton atelier. Je veux voir dans quelles conditions tu travailles, mais également voir quel genre d'œuvres tu peins. Même si j'en ai un petit aperçu, déclara-t-il en indiquant le tableau présent dans ses mains.
— Je...d'accord.
Encore une fois il accepta. Après tout si le noiraud pouvait bel et bien l'aider comme il le laissait entendre, pourquoi refuserait-il son aide ?
— Parfait, alors maintenant laisse moi me présenter. Je suis Levi Ackerman, et je serai ta muse, annonça-t-il en tendant sa main au garçon.
Il la lui tendit en retour.
— Enchanté Levi moi c'est Eren, Eren Jaeger. Et c'est avec plaisir que je vous laisserai remplir ce rôle, lâcha-t-il avec un sourire sincère.
Ledit Levi lui rendit son sourire, et pour la première fois depuis ces deux dernières années Eren se dit que peut-être sa situation pourrait s'arranger, que peut-être grâce à Levi il pourrait à nouveau peindre comme il le faisait autrefois.
1182 mots
✿ ❀ ✿
Média : Jean-Baptiste Raguenet, "La Seine en aval du pont Neuf", 1754.
Rococo : Mouvement artistique né en France durant la première partie du XVIIIème siècle.
Le Salon : Exposition annuelle, ou presque, d'œuvres d'arts ayant lieu de 1673 à 1880 au Louvre.
Hello !
Voici le premier chapitre de ma nouvelle fiction : Your Muse.
J'espère ne pas trop vous avoir perdu en citant la période artistique qu'est le rococo.
Si vous voulez une idée de ce qu'est un tableau de style rococo je peux vous conseiller de passer voir le travail de François Boucher qui a notamment peint le portrait de Madame de Pompadour, ou encore Jean-Honoré Fragonard qui a peint le tableau extrèmement connu : Les Hasards heureux de l'escarpolette.
Bye bye !
VOUS LISEZ
𝙴𝚛𝚎𝚛𝚒 - 𝚈𝚘𝚞𝚛 𝙼𝚞𝚜𝚎
FanficFrance, XVIIIème siècle. Dans une société où l'art est en plein essor Eren Jaeger, jeune peintre à talent, multiplie les échecs. En effet depuis la mort de sa mère sa vie a tourné au cauchemar et ce dernier se retrouve incapable de réaliser une bonn...