Pauvre conne

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« Il y a une solution à tous les problèmes, Germaine. Si on n’en a pas encore trouvé, c’est qu’on n’a pas assez réfléchi. »

Ma copine Germaine m’avait appelé un peu plus tôt, en larmes. Son colocataire s’était barré. Disparu comme ça d’un seul coup. Et pas que ça. Le contenu de l’appartement avait disparu avec lui. Fauteuils, meubles, armoires… Elle était rentrée de son weekend dans un appartement vidé. Et ce n'était pas le pire : son ordinateur avait disparu aussi, avec la thèse qu’elle était censée rendre le surlendemain.

Elle tombait mal. J’étais en plein sprint sur un algorithme qui me tenait en échec depuis trop longtemps. Malgré l’urgence de la situation, je lui promis de la rappeler dans l’heure, et je retournai m’essorer le cerveau sur mon programme récalcitrant.

Trois quarts d’heures plus tard, j’avais une solution bâtarde qui avait le mérite de fonctionner. Je mis donc l’ordinateur en veille, enfilai mon oreillette et claquai la porte de ma maison. Une petite balade dans la forêt me permettrait de mieux encadrer l’imbécilité de mon amie. Une fois que j’aurais résolu son petit problème, peut-être aurais-je une idée géniale pour optimiser mon algorithme.

La descente depuis le village était grisante. Je la connaissais par cœur. Comme je connaissais mon vélo. Une main légère sur le guidon, 10 % de mon attention sur la route, le reste en conversation avec Germaine. Ce crétin n’avait quasiment rien laissé. Il était même allé jusqu’à dévisser les étagères. Mais Germaine n’en avait cure. Seule sa thèse comptait à ses yeux pour le moment.

« Ben, non, je pensais pas qu’on allait me voler mon ordi !

— C’est pas la question ! Il faut toujours faire des sauvegardes ! Une donnée qui n’est pas à trois endroits différents est inexistante !

Elle éclata en sanglots à nouveau. J’étais un piètre psychologue, mais ce n’était pas pour ça qu’elle m’appelait. Mes amis avaient tendance à me considérer comme un magicien de l’informatique, qui pouvait résoudre tous leurs problèmes.

Coup de frein final. Je laissai le vélo contre un arbre, et m’enfonçai des le bois. C’était un sentier forestier qui se perdait quelques dizaines de mètres plus loin.

— OK OK. Tu n’as aucune idée d’où il a pu aller ?

— Ben non, je connais pas ses amis. Il était plutôt solitaire. En plus il avait un mois de loyer en retard.

— Quel connard… Écoute, comme je te disais, il y a toujours une solution… Mais dans ton cas, il n’y a pas de tour de magie informatique. Pas de sauvegarde…

Elle m’interrompit d’un gémissement. J’avais déjà quitté l’ébauche de sentier. Si on descendait la ligne de plus grande pente on arrivait à un étang. J’y allais souvent. Un silence parfait pour se ressourcer ou travailler. C’était vraiment une forêt magnifique. J’avais de la chance d’habiter à côté. J’avais de la chance de faire un job qui me permettait d’habiter à 150 kilomètres de la ville. Je décidai de prendre la direction opposée. Je m’étais toujours demandé ce qu’il y avait en haut de la colline.

— Laisse moi réfléchir… Il a une voiture ?

— Non, juste un vélo. Mais il est parti avec. Pourquoi ?

Ce qu’elle était conne !

— Dans ce cas, il a probablement loué un fourgon. Tu peux peut-être aller poser des questions au loueur le plus proche.

— C’est à rendre pour après-demain ! Je n’ai même pas fini la correction !

— Je fais de mon mieux Germaine. Écoute, laisse moi réfléchir une demi-heure et je te rappelle.

Je raccrochai.

Une solution à tous les problèmes… Le dicton préféré du programmeur.

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