Le fléau des préjugés

Chapitre 1

Un petit garçon à la chevelure blonde savement ébourrifée portait un uniforme de niveau 2. À ses côtés se trouvait un enfant du même âge aux yeux d'un bleu tellement sombre que l'on aurai pu les croire noirs. Ils bavardaient, quand celui-ci s'écarta de son ami et le salua :

-À tout à l'heure Grady ! Amuses-toi bien en détection de talents !

Le petit garçon blond soupira. Edmond était givreur donc il n'allait plus en détection de talents. Quant à lui, il essayait en vain de déclencher un talent, sans résultat. Si cela se trouvait, il allait rester toute sa vie un Sans Talent, à l'écart de la société. Mais ce n'est pas ça qui le génait le plus. C'était plutôt la réaction qu'auraient ses parents. Ils le renieraient sûrement, son père dirait qu'il n'était qu'un bon à rien, que l'honneur des Ruewen serait gâché par sa faute. Et ils «protègeraient» Manuka de son frère, pour éviter qu'il soit « contaminé ».

C'est avec ces sombres pensées que Grady entra dans sa salle de cours. Aujourd'hui, ils testaient l'hypnose. Grady leva les yeux au ciel. Aucune chance qu'il ne décroche un talent aussi puissant que celui-ci. Il s'installa confortablement dans sa chaise, persuadé que ce cours serait aussi ennuyant que les précédents. Quand sa mentor arriva, elle posa ses doigts fins sur les tempes de chacun de ses élèves. Le tour de Grady arriva, et il sentit un léger picotement, qui s'intensifia jusqu'à devenir insupportable. Il rouvrit ses yeux qu'il avait fermés depuis un bon bout de temps déjà, et observa sa mentor, déboussolé. Pourquoi bougeait-elle les mains en l'air ? Et pourquoi avait-elle l'air contrariée ?

-Mr Ruewen, veuillez cesser immédiatement !

Cesser quoi ? Il n'avait rien fait. Pourquoi bon sang gesticulait-elle dans tous les sens ?

Soudain, sa mentor arrêta son manège. Le silence s'était fait dans la salle, et tous le regardait, éberlués. Mais qu'avait-il fait de mal ? En s'efforçant de garder une voix calme, elle reprit :

-Mr Ruewen, vous avez débloqué le talent d'hypnotiseur. Veuillez sortir de la salle immédiatement et prévenez vos parents.

Voyant que Grady ne bougeait pas, choqué par l'énormité de la nouvelle, elle hurla :

-Immédiatement !

Le jeune garçon se leva de sa chaise et courut presque jusqu'à la sortie. Quelle injustice ! Sa mentor lui criait dessus simplement parce qu'il l'avait humiliée inconsciement.

Au détour d'un couloir, il reconnut une silhouette familière. Edmond séchait les cours, comme à son habitude. Grady se dirigea vers lui, et quand son ami l'aperçut, il s'étonna :

-Tu n'est pas sensé être en cours toi ?

-Toi aussi je te signale.

-Oui mais moi c'est différent, j'avais histoire elfique. Alors comme ça tu sèches détection de talents ? Mais d'ailleurs, pourquoi es-tu tout rouge et essouflé ?

-Je ne sèche rien du tout, je viens de débloquer mon talent.

-Comment ? Ton talent ? C'est quoi ?

-Hypnotiseur.

Il éclata de rire.

-Hypnotiseur ? Laisse-moi rire. Il doit en avoir maximum 6 de vivants dans le monde, et encore, je vise large.

Sans blabla ni cérémonie, Edmond se retrouva en l'air, la tête vers le bas.

-Alors, tu me crois maintenant ?

-Grady, repose-moi tout de suite !

-Avec plaisir.

Edmond tomba sur la tête et poussa un cri de douleur qui éveilla la curiosité du mentor de la pièce d'à côté. Celui-ci vit la scène et réagit au quart de tour :

-Mr Ruewen ! Chez le principal !

Grady l'ignora, sortit son cristal de foyer et disparut.

***

Grady eut un rire forcé. Quelques minutes plus tard, Edaline le prit à l'écart :

-Quelque chose ne va pas ? Tu as l'air anxieux.

-Non Eda ne t'inquiète surtout pas, tout va pour le mieux. Après tout, ne vais-je pas me marier avec la plus belle femme de tout l'univers ?

Il détourna la tête et aperçut trois chaises vides au centres de la pièce.

Peut-être que si il n'avait pas eu ce talent maudis, elles auraient été utilisées.

Peut-être que si les préjugés n'existaient pas, ils auraient assistés à son mariage.

Mais peut-être que s'il n'avait pas été hypnotiseur, ce mariage n'aurait pas eu lieu. Et alors, il ne remercieraient jamais assez la nature pour son don d'hypnotiseur.