Les Fausses Confidences : Acte II scène 15

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Avachi sur son sofa drappé de pourpre, la princesse baladait hasardément ses longs doigts au gré des courbes rassées de son oreillé.
Contrairement à son alter-égo du royaume voisin, Shuka était très organisée, et savait toujours effectuer ses tâches administratives en temps et en heures, sans que quelqu'un d'autres que ce fusse ne dut les faire à sa place.
Et malheureusement pour elle, cette application milimetrée à la paperasse lui laissait bien plus de temps libre qu'elle n'en eusse réellement besoin.
《 Quelle plaie, cette pluie... j'espère qu'il fait meilleur dans le Yomakai ! Soupira t-elle, le nez à présent accolé à sa fenêtre. 》
Elle se laissait hypnotiser par le son régulier de son horloge, lorsqu'on frappa promptement à ses appartements.
《 Hime-Sama ! J'ai à vous parler, s'il vous plaît, c'est plus qu'urgent ! Fit la voix derrière la porte.
La princesse reconnu sans difficulté son visiteur surprise.
- Douketsu ?! Entres, voyons, qu'y a t-il de si important pour te mettre dans un état pareil ? 》
L'oni à la crinière pourpre s'invita dans la pièce, visiblement trempé par les trombes d'eau de l'extérieur.
《 Desolé, Hime..... je dois vous déranger au milieu de vos travaux !
- Beaucoup moins que ce que tu crois, je t'assures ! De quoi voulais-tu me parler, au juste ?
Il tenta de reprendre son calme avant de commencer.
- C'est à propos de Shutendoji... il est gravement atteint !
- Gravement atteint ? Mais de quoi ? Devrons-nous contrer une nouvelle pandémie ? 》
Un rire lui échappa.
《 Oh non, Hime... il est gravement atteint à la tête. Annonça t-il sollanemment.
Un silence tomba sur la salle. La nouvelle semblait quelques peu dure à appréhender.
- M-mais comment as-tu été tenu au courant de tout cela ?! Hasardait-elle, voulant d'un coup étrangler son serviteur.
- N'oubliez pas que je suis son confident, Hime. Tout ce qu'il sait, je le sais aussi. Et tout ce qu'il ressent, je le ressens également.
Même si cette explication ne lui semblait qu'a demi satisfaisante, elle pu reprendre son calme.
- Je me disais bien que quelques chose semblait... détraqué, chez lui... mais comment a-t-il pu me porter autant d'intérêt, alors que vous venez d'entrer à mon service ? Je veux dire, ce n'est pas comme si j'étais dans l'habitude de souvent m'exposer à vous... 》
Comme s'il redoutait cette question, Douketsu se vit prendre un air désolé.
《 Oh, mais pour tout comprendre, il vous faut remonter avant qu'il ne s'enrôle chez vous ! Je m'en souviens comme si je l'avais vécu... 》
Et alors que la concernée restait suspendue à ses lèvres, il raconta.

C'était lors d'un vendredi soir pluvieux que le destin frappa à sa porte.
Nous sortîmes d'une conférence sur la stratégie en combat organisée par Maître Shutendoji lorsqu'il vous aperçu.
Vous étiez dans vos plus simples apparats, mais il me jura pourtant avoir vu une déesse, cette nuit là.
Il me confia que vos yeux en bille de verre rivalisaient leur éclat avec celle de la lune, et que votre visage de poupée de cire sembla arrêter les éléments autour de lui.
Il vous vit monter dans votre embarcation accompagnée de vos fidèles, et disparaître lentement, votre parapluie à la main.
Et depuis cette rencontre divine, il cherchait désespérément à se rapprocher de vous.
Jour et nuit, il restait béat, à me conter sa joie et son ivresse en pensant à la princesse de son royaume cachant une beauté aussi véritable et ensorcellante.
Et puis un jour, il décida de se présenter pour assurer votre protection, afin de vous revoir l'espace d'un instant.
Et finalement, il y parvint. Je suppose que vous connaissez la suite. 》
La fin de son discours laissa la princesse pantoise. Si elle ne savait plus guère quoi penser, elle avait cependant une question lui brûlant le bout des lèvres.
《 Si tout ce que tu as dit est vrai.... alors quelques chose me reste suspecte.
- Et quelle est-elle ?
- Tu avances que Shutendoji m'aime comme il n'a aimé personne d'autres avant... mais alors comment se fait-il qu'il reste muet à ce sujet, et qu'il ne me l'ai jamais dit ?
- Il a peur de vous. La plus belle des roses est celle possédant le plus d'épines, m'a t-il dit. Mieux vaut que j'oublie cette fleur, elle ne mérite pas un jardinier tel que moi.
Et depuis, il tente de vous oublier bien malgré lui en se noyant dans l'alcool.
Avant cet incident, il était l'image même de la sobriété. Je suis sur que je buvais davantage que lui fut un temps. Mais à présent, vous l'avez fait devenir un véritable alcoolique, comptant sur le coma éthylique afin d'oublier votre image, le hantant constamment dans son travail.
J'ai essayé plusieurs fois de le convaincre de démissionner, mais il n'a jamais voulu. Il semble aimer vous garder en mémoire dans son esprit et vous savoir près de lui. Je ne le comprendrais décidément jamais... 》
Douketsu aimait donc énormément tout dévoiler sans aucune pudeur ni tact.
Mais étrangement, Shuka semblait bien prendre cette seconde rasade de révélations.
《 Je te remercie pour ta franchise, Douketsu. Je vais de ce pas le convoquer, et faire le nécessaire. Je te laisse te retirer.
-.... soit, Hime-Sama. Merci de votre compréhension. 》
Alors que son serviteur se retirait, elle tâcha de retrouver une tenue convenable.
《 Shutendoji ! Voudrai-tu venir quelques minutes, je te prie ? Appela-t-elle de sa voix d'ange.
Et avant qu'elle n'eut dit autre mot, son congénère à corne ouvrit ses portes d'appartement en trombe, sa musculature parfaitement mise en valeur par la lumière.
- Me voilà, Hime ! Prince charmant Shutendoji, pour vous servir !
- Ooooh cher Shutoundoji ! Je te prierais de ne m'appeler simplement que Shuka, d'accord ? Je ne vais pas te congédier pour user d'informalitées avec moi, tu sais ? 》
Le concerné rougit soudain, et tenta de garder son calme face à l'attitude pour le moins brûlante de sa souveraine.
《 Et comment... heum ! Pourrais-je vous être d'une quelconque assistance, Hime ?
- Oh ! Eh bien... je me disais que tu pourrais peut-être... me faire un petit service ? Susura-elle à son assistant, montrant son bureau du doigt.
- B-bien sur, Hime ! Tout pour vous contenter, Hime ! 》
Il s'installa promptement sur la chaise en velours, et commença les usages.
《 Et à qui est destiné ce prospectus, Hime ?
- Il revient au roi de la dynastie des Mikados. Je vais de ce pas annoncer mon alliance avec lui.
- Excellente nouvelle !
- Par le mariage.
- Pardon ?! 》
Il se sentit dériver en une pâleur livide, un conséquent poids venant lui alourdir les jambes.
《 E-excusez-moi, Hime, mais.... votre plume semble ne plus pouvoir écrire ! Articula t-il, peinant à retrouver sa sanité d'esprit.
- Eh bien trempes-la dans l'encre, Ordonnait la princesse. Elle est juste à côté de toi.
- M-mais Hime-
- Écris, à présent ! 》
Cher et digne représentant des Mikados. Par mes attributs, Shuka, princesse de la dynastie oni vous annonce sollanellement une proposition d'alliance par le mariage.
《 Mais Hime, ne futes-vous pas assez précautionneuse pour n'envisager qu'une alliance par administration ? Un mariage, c'est tout de même-
- Je suis pleinement consciente de mes actions, Shutendoji. Je me suis parfaitement résolue à cette idée, et ne crois pas que je fais ça sans aucun plaisir. Mikado Enma est une personne de grand respect, et dont la gentillesse n'est plus à démontrer. Continues, à présent.
Acceptez-vous de vous entretenir en ma présence à ce sujet dans les prochains jours ? Fussiez-vous bon usage du temps qui est vôtre.
- Ooooh ne vous inquiétez pas pour ça, il-
- Shutendoji !!
Mes plus sincères et respectueuses salutations.
Et vous signez. Finit-elle en un mouvement de bras. 》
《 M-mais qui donc, Hime ? Fit l'oni, en pleine souffrance intérieure.
- Eh bien mon nom, voyons ! Que t'arrives-tu ? Te trouverais-tu dans un mal soudain ?
Il titubait.
- Eh bien j'ai... déjà connu bien meilleur environnement ! Fit-il, tâchant de retranscrire en bonne et due forme les desseins de sa souveraine.
- Eh bien hâtes-toi de me délivrer la lettre, je missionnerais Douketsu d'aller l'expédier pour toi. Nul besoin de te solliciter davantage, tu m'as déjà été plus qu'utile dans mes tâches. Je te laisserais à présent te retirer pour prendre du repos. 》
Elle fit ouvrir les portes de ses appartements en un clair claquement de doigts, et s'approcha de son script, un tendre sourire au visage.
《 Tu sais Shutendoji, j'apprécie plus que tout le dévouement sans faille que tu déploies pour assurer ma protection. Alors s'il existe une quelconque chose dont tu voudrais me faire part, je suis à ton entière disposition. N'hésites surtout pas ! Prononçait-elle doucement, tout en posant sa main sur l'épaule du concerné.
- H-Hime, je......
- Oui ? 》
Un torrent de pensées et d'émotions écoulaient le flot torrentiel de ses pensées. Il aurait voulu pouvoir le faire redevenir une rivière calme et claire, mais la seule chose qu'il put faire fusse de se mettre à genoux en signe de profond respect.
《 Je vous demande que vous me pardonassiez mon extrême désobligeance, Hime-Sama... un simple oni tel que moi ne devrait pouvoir vous côtoyer qu'à genoux pour vous rendre votre extraordinaire gentillesse, et vos attributs excédant ceux des divinités.
- M-merci, Shutendoji, ton humilité t'honnores en bien des points ! Prononça Shuka, surprise par ce soudain tournant. Est-ce là... ce pourquoi tu désirais t'entretenir avec moi ?
- Oui ! E-enfin pas réellement, mais... cela ira ! Fit-il, la voix tremblante.
- Si... tu me l'assures de la sorte... tu peux te retirer, à présent. Je vais finaliser les préparatifs de l'accueil du roi du Yomakai. Je te laisserais regagner tes appartements de ce pas.
- Merci. Fit-il simplement. 》
Il se remit ardemment sur ses jambes et prépara son départ en se retournant. Mais perdu tel qu'il était déjà, il ne put que lui faire face, et tout lui dévoiler.
《 Oh Hime-Sama, maîtresse de la société oni, lumière de ce monde opprimé, croyance universelle pour notre peuple, poupée de cire hantant mes nuits, n'épousez pas le dirigeant yo-kai ! Je vous en conjure ! N'épousez pas Mikado Enma !
- M-mais enfin, Shutendoji, que te prend-il, tout d'un coup ?!
- Je me mets à nu devant votre envoûtante candeur ! Avouait-il. Jamais un dirigeant aussi procrastinateur et dépendant des autres que lui ne pourrait même s'imaginer mériter votre personne ! Tout ce que vous pussiez en tire est uniquement d'entraîner votre peuple dans la ruine, et de vous salir les mains de préjugés futiles sur cette union impropre !
Je vous implore, Hime.... non, Shuka-Sama ! Reconsidérez votre décision !!
- Oh, Shutendoji... mais voyons, il n'y a rien-
- Je vous aime, Hime-Sama ! Non, je vous idolâtre.
Mon esprit ne puis évoquer votre visage sans vous déifier, afin de vous peindre à votre juste valeur ! Votre grandeur pèse sur mes épaules depuis le jour où je vous ai vu au détour d'une conférence. Depuis, je ne vis plus que pour vous, et me suis juré de toujours vous cacher ces sentiments inutiles que j'éprouvais à votre égard... mais je ne puis demeurer loin de vous plus longtemps !

Recueil de parodies théâtralesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant