Rupture

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– Bonne nuit, mes trésors.

Elle embrassa sur la joue chacun de ses deux fils, le cœur serré. Avant de refermer la porte de leur chambre, elle les regarda avec un mélange d'amour et de déchirement. Ces merveilleux petits êtres s'endormaient déjà, sans se douter que leur cocon familial ne tarderait pas à se briser en mille morceaux. Ou peut-être, au contraire, pressentaient-ils quelque chose ? Il était difficile de le savoir, mais aucun des deux n'avait énoncé une parole ou fait quelque chose qui le laisserait penser.

Elle resta quelques instants devant la porte fermée. Elle ferma les yeux et prit quelques profondes respirations. L'appréhension montait. Pourtant, elle devait en finir avec cette situation, le confronter une bonne fois pour toutes.

Elle se tourna vers l'escalier et le descendit. À chaque marche, la tension qu'elle sentait devenait de plus en plus lourde, de plus en plus palpable, de plus en plus électrique. Sa respiration perdit en amplitude. Elle tambourinait dans sa poitrine.

Arrivée au rez-de-chaussée, elle poursuivit jusqu'au salon. Il était là. Assis sur le canapé, en train de regarder la télévision. Hypnotisé par l'écran, il ne prêta pas attention à son arrivée.

Elle se posa sur le fauteuil d'à côté et l'observa. Elle lisait le malaise dans ses yeux, dans son attitude, dans son jeu, devenu très maladroit, de mari. Elle était certaine. Dans son esprit, il avait démissionné de ce rôle, mais l'illusion perdurait. Alimentée, par ailleurs, aussi bien par lui que par elle, pour que, le plus longtemps possible, survive l'inconfort confortable.

– Quelque chose ne va pas ?

Il avait parlé sans aucune chaleur ni aucun agacement. Simplement avec une glaçante neutralité. Une insulte aurait eu le même impact sur elle. Elle se crispa. Elle hésitait. Une part d'elle était prête pour le basculement, voulait savoir, souhaitait sortir de cet étouffement permanent. De l'autre, la peur la cisaillait. Elle craignait ses réponses. Elle s'inquiétait du lendemain. Elle pouvait encore se laisser un sursis, donner à ses enfants quelques jours de répit, un semblant de famille pendant encore un temps.

La suite lui échappa. Elle ne le réalisa pas immédiatement, mais les doutes se turent et le renversement eut lieu :

– Qui est-elle ?

Il mima un air surpris.

– De quoi parles-tu ?

– De la femme avec qui tu me trompes.

Il rit, mais elle le connaissait assez pour savoir que sa réaction était nerveuse.

– Qu'est-ce que tu racontes ?

Il pouvait être doué pour cacher des choses. Dernièrement, il l'avait prouvé. Cependant, il ne savait pas mentir lors d'une confrontation. Ses expressions faciales le trahissaient même si ses propos essayaient de lui sauver la mise.

– Arrête de me prendre pour une conne, s'il te plaît ! Je mérite mieux que ça après dix ans de mariage.

Elle arrivait à se contenir pour le moment. Le souhait de ne pas réveiller les enfants la maintenait dans un état de calme relatif. Combien de temps encore ? Cela, elle ne pouvait pas le dire. Tout dépendrait si la partie adverse continuait à jouer au faux-semblant. Dans ce cas, elle ne pourrait pas empêcher la colère en elle d'exploser.

– Tu affabules complètement. Je ne te trompe avec personne.

– J'affabule ? Tu es distant. On s'adresse à peine la parole ou, quand on le fait, ça se finit en dispute. Tu ne me regardes plus. Tu restes évasif lorsque je te questionne sur tes sorties à l'extérieur de la maison, sur ce que tu fais au travail. Parfois, je t'observe. Tu sembles ailleurs. Tu souris. Mais lorsque la réalité ou bien ma présence, se rappelle à toi, ton visage s'assombrit. Ton parfum a changé, ton style vestimentaire a changé. On dirait que tu veux rajeunir. Et lorsqu'un homme cherche à faire cela, c'est soit il cherche à séduire soit il a une femme beaucoup plus jeune que lui. Et je sais que tu ne cherches plus à me séduire ni que je suis une femme beaucoup plus jeune que toi. Donc non, je n'invente rien. Qui est-elle ?

Chronique d'un divorceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant