Charlottes

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Charlotte Armont, c'est comme cela qu'elle s'appelait. En ces temps, c'était bien la seule chose dont elle était certaine. Elle s'assit indolente, ici, sur ce banc, dans cette sombre pièce où elle était seule. Il était à peu près neuf heures et elle songeait. Elle se dit qu'à neuf heures, avant, c'était plus vivant, plus bruyant, plus... Comment dire ? Plus excitant. En même temps c'est normal : Charlotte était en prison. Cela fait peut-être une semaine qu'elle était là, sans trop savoir, sans trop comprendre.

Tous les matins c'était le même rituel : à huit heures, tout le monde se réveillait, ensuite, à neuf heures, c'était l'appel jusqu'à dix heures où l'on ouvrait les cellules des moins dangereuses ou des moins dérangées du centre pénitentiaire. Charlotte Armont refusait de sortir depuis son arrivée. Elle ne mangeait pas et ne parlait à personne. Du moins jusqu'à-ce que l'on lui en oblige puisque le personnel médical de la prison avait décrété qu'un suivi psychiatrique serait plus qu'approprié pour elle. C'est donc Dr. Bailly qui s'en occupera, ainsi les rendez-vous débuteraient dès le lendemain. Nicolas Bailly est un psychiatre de renommée mondiale, il a connu de nombreuses difficultés pour arriver à cette grande célébrité. Son métier est aussi sa passion, néanmoins, il n'a jamais réussi à faire de pauses, si bien qu'il n'est pas marié et qu'il ne voit personne excepté Coline Michel, sa secrétaire. Depuis plus d'une semaine, Nicolas Bailly suit avec attention la mystérieuse histoire de Charlotte Armont. Effectivement, les péripéties de la jeune femme ont permis à plusieurs curieux de se manifester, et donc aux journalistes de fouiner par-ci par-là. Ainsi, on parle de Charlotte dans les journaux, à la télévision, à la radio, elle était dans tous les esprits. La jeune déviante fascine, effraie et s'attire fanatismes et attachements. En peu de temps, elle est devenue le sujet d'écriture de tout journaliste qui se respecte. Qui sait, un jour peut-être qu'un écrivain relatera son histoire...

Ce jour, le Dr. Bailly se préparait à recevoir la tant attendue Charlotte Armont. Il s'était promis de la traiter comme un patient normal. Il s'était promis de ne pas enquêter sur ce que tout le monde voulait savoir. Il s'était promis de faire son travail, que son travail et rien que son travail. Devant sa secrétaire, il paraissait habituel, néanmoins, dans sa tête, c'était le chaos. Il n'arrêtait pas de s'imaginer quelle femme pourrait être cette patiente, car Nicolas Bailly était très sensible aux attraits feminins. Blonde ou brune ? ... De quelle couleur sont ses yeux ? ... Tant de questions qui ne tarderont pas à obtenir des réponses. De son côté, Coline Michel reste insensible au prochain rendez-vous. La seule chose à laquelle elle prêtait attention, c'était l'heure. Tous les jours, elle guettait la pendule devant elle, minute par minute, seconde par seconde. Elle n'avait qu'une envie, rentrer chez elle, partir loin de ce travail qu'elle détestait et de retrouver la seule chose pour laquelle elle reste sur terre, ses trois chats. Elle détestait le monde entier et rêvait d'une chose ; voyager tout le reste de sa vie et arrêter de travailler. Le rêve de tout le monde, non ? Peu importe ses motivations puisque c'était l'heure. Enfin, c'était l'heure, il y a deux ou trois minutes. Charlotte Armont était en retard.

Après dix minutes d'attente, apparut l'ombre d'une grande et mince femme ainsi que deux grosses masses de chaque côtés d'elle. C'est alors que l'on vit pénétrer Charlotte Armont poussée par deux surveillants dans le grand bureau du docteur. Les deux surveillants la laissèrent au docteur en prenant soin de lui enlever ses menottes, puisqu'il était dans les habitudes du psychiatre de détacher ses patients. Nicolas Bailly n'avait jamais vu une aussi belle femme, si bien qu'il en était étourdi.

- Eh bien, asseyez-vous mademoiselle.

Charlotte s'éxécuta, mais ne dit toujours rien. Le docteur prit alors le temps de la contempler. Il commença à regarder sa longue chevelure rousse, ensuite son regard tomba sur sa bouche rose et pulpeuse, il admira ses jolies joues roses et ses yeux, de grands et magnifiques yeux verts et brillants.

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