Valse à Löwenstadt (T.3) [TERMINÉ]

21.

Vraiment, Sabine n'avait pas menti. Au moment de s'installer, Melek imaginait le visage décomposé de la cousine de Wilhelm quand elle avait appris les choix de Sabine en fonction des "ordres directs du roi". À la voir ce soir, elle n'avait toujours pas fait le deuil de ses émotions. Sabine était magicienne. Ainsi installée entre Wilhelm et Otto, Melek se sentait en sécurité. Rien ne pouvait lui arriver ce soir-ci.

Melek pensa à ses professeurs. Si cela avait été un repas officiel de la couronne à Löwenstadt, ordre du roi ou non, Melek n'aurait jamais pu s'interposer entre Wilhelm et son oncle et aux regards de certains membres de l'assemblée ; cela était une première. Otto était un roi que l'on pouvait qualifier de progressiste, mais il attachait encore une certaine importance aux protocoles. Preuve à l'appui, l'emploi du temps de Melek, qui lui rappelait douloureusement les années lycées.

Comme on le lui avait appris, Otto se tourna d'abord vers la personne à sa droite pour discuter, laissant Melek avec Wilhelm.

Une colonie de serveurs débarquèrent dans la salle, assiettes et cloches en main et envahirent la pièce pour servir le premier plat de la soirée. Sabine l'avait prévenue : deux entrées, un plat chaud, un plat froid, fromage et dessert. Melek se sentait malade d'avance.

Ce n'est qu'une fois le service terminé et l'armée de pingouin disparue, qu'Otto se tourna vers Melek pour discuter. Elle sentit une goutte de sueur perler à l'arrière de son crâne. Un cap majeur avait beau avoir été franchi avec l'oncle d'Otto, lui permettant de partager quelques familiarités avec celui qu'elle considérait comme son beau-père, mais face à cette assemblée, elle ne savait plus vraiment comment elle pouvait se comporter et quel sujet elle pouvait aborder.

Heureusement pour elle, Otto semblait suffisamment obstiné à créer des liens intimes avec Melek, car il entama la conversation :

« J'ai une confession à vous faire. »

Le cœur de Melek rata un battement.

« Je n'ai pas résisté à manger le reste des pâtisseries de votre frère cet après-midi. »

Melek écarquilla les yeux. Elle avait découvert la gourmandise du roi, elle n'avait pas réalisé la profondeur de ce vice.

« Dois-je donc le féliciter ou le réprimander la prochaine fois que je l'appellerai ? tenta de plaisanter Melek. »

Otto se pencha encore un peu vers elle.

« Vous pourrez l'informer de mon anniversaire qui arrive bientôt, si vous le souhaitez. »

Il se redressa et attrapa sa cuillère pour entamer la soupe qui leur avait été servie. Il avala une gorgée puis se tourna une nouvelle fois vers Melek.

« Cela va être un long réveillon, sourit-il. Je n'ai même pas faim. »

Il reporta la cuillère à ses lèvres et Melek l'imita. Peu importait l'importance d'un repas, personne n'était autorisé à manger une fois que le roi avait terminé. Et s'il n'avait déjà plus faim, il lui faudrait se dépêcher. Contrairement à Otto, Melek était affamée.