Valse à Löwenstadt (T.3) [TERMINÉ]

26.

Plus bas dans la cour, une lumière fugace attira le regard de Melek. En se penchant un peu, elle reconnut un groupe de serveurs rassemblés dans un coin pour profiter d'une rapide cigarette. Si pour Melek la soirée s'apparentait à un conte de fée, elle n'oubliait pas que pour d'autres, c'était une grosse journée de travail qui ne semblait pas vouloir se terminer.

Toujours emmitouflée dans les bras de Wilhelm, elle eut un sourire tendre pour ces jeunes travailleurs. Il y avait encore quelques mois, elle les aurait regardé avec regret et envie, et aurait aimé pouvoir les rejoindre, faire partie de leur équipe. Mais aujourd'hui, rien de tout cela ne la traversa. Elle avait passé de belles années dans l'hôtellerie, elle s'en souviendrait toujours avec joie et plaisir, mais aucune once de nostalgie ne venait plus teinter ces souvenirs. Melek était passée à autre chose. Elle sourit davantage, cachée aux yeux de Wilhelm, quand elle réalisa le chemin parcouru. Elle avait l'impression d'être enfin arrivée à destination.

La main de Wilhelm lui caressa le dos. Elle releva les yeux vers lui.

« On rentre ? demanda-t-elle. »

Elle rayonnait.

La chaleur de la pièce les prit avec brutalité et leurs joues rougirent aussitôt sous le choc. Melek s'accrocha aux bras de Wilhelm et l'entraîna malgré lui vers le buffet. Melek avait soif. Mais elle refusa le champagne ou quelle boisson alcoolisée que ce soit. Au fond d'elle, elle le savait, elle voulait garder les idées claires.

La chaleur environnante lui fit avaler son verre en seulement quelques gorgées. Quand elle le reposa, vide, sur la table, Wilhelm tendit une main vers elle. Mais alors qu'elle s'apprêtait à accepter l'invitation à danser, la musique s'arrêta et les lumières faiblirent.

Derrière la foule, des étincelles jaillirent.

« Le gâteau, murmura Melek. »

Wilhelm attrapa la main de Melek pour l'amener avec lui près de son oncle pour souffler les bougies et découper la première part du gâteau qu'elle avait aidé à choisir.

La dernière fois qu'elle avait vu un gâteau aussi beau, c'était au mariage de Lale et Ercan.

Melek s'arrêta dans son élan et retira sa main de celle de Wilhelm. Il se tourna vers elle, inquiet. Mais le sourire de Melek était tendre et ravagea tout trace de doute dans l'esprit de Wilhelm.

« Je t'attends là, dit-elle avant de lui reprendre la main pour lui baiser les doigts. »

Les yeux de Wilhelm pétillèrent alors qu'il acquiesçait, puis disparut dans le reste de la foule pour rejoindre son oncle.

Tous les regards étaient tournés vers le magnifique gâteau qui scintillaient. Dans les yeux enfantins d'Otto, on croyait voir des étoiles briller. Seule sa canne, sur laquelle il s'appuyait des deux mains trahissait son âge véritable. Il ne se détourna de la pâtisserie et ses bougies que pour se tourner vers son neveu quand celui-ci arriva vers lui.