« C'est lorsqu'on n'a passé proche de la mort qu'on finit par s'ouvrir les yeux et que l'on comprend ce que signifie réellement de vivre ; n'abandonnez jamais, tout vaut la peine d'être vécu, même les moments malheureux vous font grandir. Il suffit de bien s'entourer pour voir les bons côtés de la vie et si vous croyez être seul, c'est que vous avez mal regardé, il y aura toujours quelqu'un pour vous aider à grandir dans le parcours qu'est la vie. » Émile Rivest
Un an s'était écoulé, depuis ces derniers événements. La guerre avait pris fin depuis quelques mois déjà et tout le monde essayait de se reconstruire au mieux. L'armée allemande essuyait défaite, sur défaite, poussant ses hommes à se rendre, tout espoir étant perdu. Comme ce fut le cas ici, à Bordeaux. Les Allemands partaient après une négociation rondement menée, au plus grand désespoir, des habitants, qui voulaient les voir souffrir, souhaitant leur faire payer tout le mal qu'ils avaient fait. Mais qu'aurions-nous pu faire face à des hommes armés jusqu'aux dents ? Moi-même, j'aurais aimé me venger, pour tout ce qu'ils m'ont pris, mais il y avait eu bien assez de morts comme ça.
Puis le coup de massue, le glas, fut pour eux le suicide d'Hitler dans son bunker. Ce type, quel lâche ! En plus d'être un malade mental, un fou furieux, il était un lâche. N'ayant même pas la force de subir son jugement, son châtiment. Si j'avais pu, je l'aurais fait revenir d'entre les morts, pour le torturer à ma guise, lui faisant vivre, l'enfer que fut notre vie à tous. Il aurait mérité de vivre dans ses camps, d'être exterminé comme il avait exterminé tous ces pauvres innocents. Mais non, il était bien trop peureux pour ça. Comment peut-on abandonner ces hommes de la sorte ? Son pays était devenu, le démon, le monstre dont tout le monde voulait la tête. Notre haine était si grande que l'on en oubliait presque, qu'eux aussi ils avaient souffert. Tous ceux n'étant pas des adeptes du grand führer vivaient cachés sous peine de représailles, le silence comme mot d'ordre.
Pourtant lorsque l'on nous annonçait la fin de la guerre le huit mai 1945, ce fut l'exaltation dans tout le pays. Un cri de joie immense se répercutait le long des façades. Des années de noirceur prenaient fin et bien qu'ils nous restent à tout reconstruire, on était heureux. Chacun avait perdu quelque chose dans cette guerre, mais désormais cela n'avait plus d'importance. On savait que des jours meilleurs étaient à prévoir, même si certaines blessures resteront à jamais ouvertes.
Mirajane et moi avions survécu, il ne restait que nous deux, mais c'était suffisant. On savait qu'on ne se perdrait plus. Enfin, je devrais dire nous trois. Peu de temps après la fin de la guerre, Levy et sa famille étaient revenus. Ses parents souhaitaient reprendre leur terre et la culture de celles-ci. Un bonheur sans précédent nous traversait quand on la revit, plus en forme que jamais, au bras de son fiancé. Un jeune homme à peine plus âgé qu'elle, un juif réfugié lui aussi, mais qui avait perdu sa famille contrairement à elle.
Leur couple était détonnant, elle la frêle petite Levy, avec le grand Gadjeel. Ils étaient les parfaits opposés, mais je comprenais ce qui lui avait plus. En dehors d'un physique assez attrayant, cet homme était fort et Levy trouvait en lui tout ce qui la rassurait. Alors que lui devait y trouver la sensibilité qui lui manquait. Leur couple était beau à voir.
Un autre couple fut beau à voir aussi au début du mois d'août. Celui de Mirajane et Luxus, elle l'avait rencontré lorsqu'il était venu réparer l'électricité chez sa voisine. Et depuis, il ne se quittait plus. Suite à cette rencontre, on fit la connaissance d'une jeune femme rescapée des camps. Traumatisée, elle avait gardé de là-bas la manie de parler d'elle à la troisième personne. Si jamais elle nous conta ce qui lui était arrivé, on l'accueillit à bras ouverts. Perdue dans une ville qu'elle ne connaissait pas, choisie au hasard pour refaire sa vie, Juvia était à part, mais très attachante.
Si l'on fit de nouvelles rencontres, rien ne nous fit oublier nos amies perdues. Lisanna et Erza resteraient à jamais dans nos cœurs et le jour de leur anniversaire, on décidait de se rendre sur leur tombe, signe qu'on ne les oubliait pas et ce peu importe l'endroit où elles étaient. Elles seront toujours, là, quelque part dans notre mémoire et dans notre cœur.
De même, avec mon père on eut des nouvelles de personne recueillie au début de la guerre. On apprit que certaines avaient péri malgré tout, la ligne de démarcation ayant pris fin en 1943. D'autres encore étaient introuvables, comme Loki. J'espérais de tout cœur que cet homme avec qui j'avais très vite noué des liens était là quelque part, en vie. Lors de son départ, il m'avait promis de revenir, de me faire un signe. Et je préférais me persuader que les événements lui avaient fait oublier sa promesse, plutôt que de me dire qu'il était mort lui aussi.
J'avais déjà suffisamment de mal à admettre que Natsu n'était probablement plus de ce monde. Je savais que les généraux américains ne vérifiaient pas toujours les origines des soldats. Et même si c'était le cas, on apprit par un ami que certains ne faisaient pas la distinction entre ceux enrôlés de force et les autres, leur travail étant le même. Mais comment peut-on réfléchir de la sorte ? Oh bien sûr, je n'avais aucune preuve de sa mort, et tout au fond de moi subsistait un espoir vain qu'il soit en vie. Au chaud, dans sa famille. Mais les échos obtenus n'étaient pas bons. Et à force de persuasion de la part de mes amies et de mon père, j'avais fini par me faire une raison. Natsu n'existait certainement plus.
Je repris, comme tout le monde, le cours de ma vie, aussi bien que je le pouvais. Les femmes ayant obtenu le droit de vote et l'ouverture à certains postes de travail, je me lançais à corps perdu dans mes études afin de devenir institutrice. Le travail devient très vite un refuge, m'empêchant de ressasser encore et toujours les mêmes événements. On dit toujours que le temps finit par faire son travail, mais il me faudra plus qu'un an avant d'oublier tout ce qui nous était arrivé et j'avais beau reprendre goût à la vie, cela restait dur. Une part de moi n'arrivait plus à avancer.
Si les filles me poussaient à refaire ma vie, je n'y arrivais pas. Je n'arrivais pas à m'enlever Natsu de la tête. Notre relation et les sentiments que j'avais fini par nourrir pour lui étaient toujours présents. Incapable de l'oublier, je ne regardais plus les hommes. Tous me semblaient insignifiants, face à mon soldat aux cheveux roses. Jamais je n'aurais cru autant m'attacher à lui. Je ne réalisais que maintenant la force de mon amour pour lui. Alors que je l'avais perdu, certainement à jamais.
Aujourd'hui encore, j'étais perdu dans mes pensées, alors que je faisais le marché avec les filles. Gadjeel nous accompagnant, lui et Levy possédaient désormais leur propre maison et les voir aussi heureux me faisait toujours sourire. Ils s'étaient vraiment bien trouvé ces deux-là.
Mon panier de fruits et légumes à la main, je soupirais me disant que ce n'est pas demain la veille que je quitterais mon père et notre maison. Les filles avaient raison, je devais continuer d'avancer et oublier mon amour perdu. Si seulement... Soudain, les yeux de mes amies s'agrandirent, un sourire aux lèvres venant les accompagner. Ne comprenant pas leur étonnement et la joie qu'elles semblaient éprouver, je fus encore plus perdu quand elles m'ordonnaient de me retourner. Perplexe, j'obéissais, me demandant encore ce qui avait bien pu leur traverser l'esprit. Quand mes yeux rencontraient deux pupilles onyx.
Sous le choc, je ne réagissais pas. La surprise me clouant au sol. Je n'en revenais, je n'arrivais pas à croire qu'il se trouvait là, devant moi. Une fois ma stupeur passée, je laissais mon panier à Levy, avant de courir me jeter dans les bras de cet homme qui m'avait tant manqué. Me réceptionnant, j'éclatais en sanglots, n'arrivant pas à le croire. Il était vivant. Me serrant contre lui, il entreprit de me calmer, comme il le faisait un an auparavant. Sa main caressant mon dos et mon cou. Mes pleurs se calmant quelque peu, je relevais la tête, l'observant.
Il n'avait pas changé. Toujours aussi grand, aussi fort. Ses cheveux roses éternellement en bataille. Ses yeux verts me dévisageant, m'examinant, comme si j'étais la chose la plus incroyable au monde. Seule une cicatrice de plus avait fleuri sur son corps. Désormais, il en avait une sur la joue, en plus de celle au cou et au torse. Mais cela n'entachait en rien sa beauté. Au contraire, il était encore plus beau que dans mes souvenirs. Cela venait peut-être de la lueur de paix qui régnait dans ses yeux, même si je pouvais y déceler tout le mal que la guerre lui avait fait tout au fond. Il resterait traumatisé à vie, mais il vivait en paix maintenant.
- J'ai cru que tu étais mort. Sanglotais-je faiblement, me réfugiant à nouveau dans ses bras.
- Moi aussi... J'ai passé deux mois dans cette prison, enfermé avec ces monstres, traités comme eux. J'avais perdu l'habitude d'être regardé ainsi. Je... Je croyais que je ne sortirais jamais de là-bas. Ils ont mis un temps fou à faire la recherche et quand ils m'ont libéré, je suis rentré chez moi. J'avais besoin de revoir ma famille de passé du temps avec eux. Je pensais qu'oublier serait le meilleur moyen de m'en remettre, mais j'ai réalisé que je ne pourrai jamais oublier. Puis, je n'arrivais pas à t'oublier toi... C'est grâce à toi si j'étais encore en vie, toi et ton père... Je n'arrêtais pas de penser à toi. Je sais qu'un an est passé depuis la dernière fois, mais... Je veux vraiment faire partie de ta vie Lucy. Ce que nous avons vécu, ce que je ressens pour toi... S'il te plaît, dis-moi que je ne suis pas le seul à ressentir cela. S'expliquait-il, la voix fébrile, le ton de plus en plus larmoyant au fur et à mesure qu'il revivait ses souvenirs.
Ses paroles me touchaient profondément. Je comprenais parfaitement, son désir d'être seul, d'avoir voulu se reconstruire auprès des siens. J'aurai sûrement fait pareil. Il devait penser quand fuyant tout ce qui lui rappelait sa période de service forcé l'aiderait à se sentir mieux. Même si moi de mon côté, je m'étais fait un sang d'encre, me faisant une raison au fur et à mesure du temps, je ne lui en voulais pas. Parce qu'il avait eu besoin de cette pause, pour se reconstruire, parce qu'il ne m'avait pas abandonné pour autant, pensant toujours à moi. Puis grâce à cette séparation, il avait très certainement compris la profondeur de ses sentiments pour moi, tout comme moi. Ce n'est quand le perdant, que je réalisais à quel point cet homme m'était devenu vital. Alors bien sûr que oui, je voulais encore de lui. Plus que tout.
- Non... Non, tu n'es pas seul. Je t'aime. Avouais-je, posant enfin un mot sur ce que je ressentais pour lui.
- Je t'aime aussi. Soufflait-il soulagé.
Son souffle se répercutant sur mes lèvres, je rougis en le voyant s'avancer toujours plus, avant de gémir en sentant ses lèvres contre les miennes. J'eus la sensation d'être enfin complète, d'avoir retrouvé la partie manquante à mon existence. Bien qu'elle ne soit pas la seule, il était devenu l'une des parts les plus importantes de ma vie et le retrouver enfin me rendait euphorique. Notre baiser n'était pas tendre ni doux. Il était endiablé, sauvage, plein d'envie, de peine, d'amour. Il était à l'image de notre passion inconnue, l'un pour l'autre, de ce lien si étrange et si puissant qui nous unissait depuis le jour où j'avais appris la vérité.
Serrer contre lui, je reprenais mon souffle savourant encore les sensations ressenties à l'instant. « Je ne partirai plus. Jamais ». Une promesse soufflait à l'oreille. Je me perdais dans l'océan de verdure qu'étaient ses yeux. L'émotion me gagnant je resserrais ma prise sur lui. Moi non plus je ne le lâcherai plus jamais, je le suivrais au bout du monde s'il le faut.
Soudain, j'entendis une voix grave s'exclamer, disant qu'il comprenait mieux pourquoi il voulait tant revenir. Je vis un homme aux cheveux rouges et aux yeux jaunes nous regarder tendrement, un léger sourire aux lèvres. Accompagné d'une femme aux cheveux bleu ciel et aux yeux de saphir, je vis aussi une splendide jeune fille, aux cheveux plus foncés que sa mère, des noisettes à la place des yeux. Natsu me présentait sa famille, me disant qu'ils avaient souhaité faire le voyage avec lui. Le but de ce séjour était secret. Je fus honorée de rencontrer cette famille, dont il m'avait tant parlé. Cette famille qui lui avait manqué dans ses jours les plus sombres.
- Papa, maman, Wendy, je vous présente Lucy. Je vivais chez elle et son père quand j'étais ici.
- C'est donc vous qui avez sauvé notre fils ? Qui l'avait épaulé dans cette épreuve ? Je... Merci. Du fond du cœur, merci. M'annonçait sa mère émue.
- Vous savez, je lui dois beaucoup aussi. Prononçais-je touché par ses mots, les souvenirs refaisant surface.
Se doutant de mes sombres pensées, Natsu me serrait plus fort encore, si possible. Soudain, je pensais à mes amies qui devaient nous observer plus loin. Me retournant, je leur fis signe de venir. Souhaitant annoncer une nouvelle à Natsu, qui lui ferait sûrement plaisir. Et alors que son père m'expliquait qu'il comprenait mieux pourquoi son fils refusait de voir d'autres filles, me flattant et me rassurant au passage. Saisissant à quel point, je comptais réellement pour lui. Je serrais son poignet.
- Regarde. Regarde ce que tu as accompli. Soufflais-je tendrement, alors qu'il voyait Levy arriver en compagnie de son fiancé et de nos deux autres amis.
- Levy ? Tu es en vie ? S'exclamait-il, les larmes lui montant aux yeux. La joie se lisait sur son visage et j'en fus heureuse. Je savais que ça lui ferait du bien. Soulageant, en partie le poids qui régnait sur sa conscience.
- Oui. Grâce à toi. Je ne te remercierai jamais assez d'avoir pris autant de risque pour moi et ma famille. Pleurait Levy, émue et reconnaissante à jamais. Gadjeel, serrant la main de Natsu, le remerciant d'avoir sauvé celle qui allait devenir sa femme.
- Je... Je suis heureux de l'avoir fait. Je n'ai pas pu sauver les autres... Au contraire... Mais j'ai au moins pu te sauver toi. Avouait Natsu, sous les félicitations bouleversées de ses parents.
Alors que je restais dans les bras de mon amant, de mon futur mari et père de mes enfants. Sous les yeux attendris et ébranlés de mes amis et de ma future belle famille, chacun savourant le renouveau. Avec la conviction que les jours ne seront plus jamais sombres. Que seule la lumière inonderait nos vies, l'optimisme refaisant surface. Nous étions tous remplis d'espoir et de projet, tel le phénix renaissant de ses cendres. La France allait se relever, prête à se battre pour sa survie et sa liberté.
Et alors que je me perdais dans mon bonheur retrouvé, je fus frappée par une chevelure rousse se balançant au loin. Cherchant du regard son propriétaire, je souris en l'apercevant. Enchanter, je lui fis signe. Signe qu'il me rendit. Finalement, Loki avait tenu sa promesse. Rayonnante, je le vis s'éloigner, reprenant lui aussi le cours de sa vie. Je sus à cet instant précis que j'avais réussi, malgré les pertes et le chagrin. Et ceux à tous les niveaux.
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Fruit de guerre
FanfictionReposte d'une de mes anciennes fanfiction que j'aime beaucoup, elle date d'il y a quelques années mais je l'aime toujours autant. 1940, la France a perdu, elle est vaincue par les forces allemandes. Mon père et moi devions nous plier aux nouvelles r...