Chapitre 2 - Lewis

229 30 16
                                    


            Le regard fixé sur l'extérieur, je contemple le paysage qui défile par la fenêtre du fourgon sécurisé dans lequel j'ai pris place avec trois autres détenus. C'est le grand jour, celui de la presque liberté, celui de la dernière chance. Si les choses se déroulent correctement, nous aurons l'unique opportunité d'intégrer le programme de réinsertion dont on nous a si souvent vanté les mérites.

Eux, ont été choisis par l'administration pénitentiaire.

En revanche, en ce qui me concerne, la demande vient de moi et je sais que le juge est plutôt sceptique, ma renommée de brute associable m'ayant grillé de tous les côtés. Je dois donc doublement faire mes preuves, pour parvenir à corriger la putain d'image que les incalculables séjours à l'isolement m'ont collée à la peau. Plus que jamais, il me faudra tout faire pour garder mon self contrôle, quelle que soit la situation. Je veux gagner ma liberté, la vraie, celle qui me permettra de retourner m'occuper de ma mère et ma petite sœur, celle qui me laissera l'indépendance dont j'aurai besoin pour tirer mon grand frère de la merde dans laquelle il s'est fourré jusqu'au cou.

Le véhicule ralentit pour s'engager sur un vaste parking caillouteux, puis s'arrête devant une imposante grille occultée. L'un des policiers descend, arme au poing, et s'annonce auprès de ce que je suppose être un interphone. Aussitôt, trois types plutôt baraqués, tatoués de partout, apparaissent par un portillon. Ils toisent un instant notre fourgon, puis l'un d'eux parle dans un talkie-walkie. Aussitôt, la grande grille coulisse sur le côté pour nous laisser passer.

C'est la première fois depuis quatre ans que je foule un sol différent de la prison de Waupun, et je prends le temps d'en apprécier chaque détail. Un mélange de sable et de gravillons, option à retenir en cas de rixe.

Prenant aussitôt conscience que je m'éloigne de ma résolution de conserver mon self contrôle en toute situation, je m'ébroue et relève la tête pour regarder autour de moi. Devant mes yeux, se dressent trois allées bordées de chenils, dans lesquels des chiens s'agitent bruyamment. Tournant la tête sur ma gauche jusque dans mon dos, je distingue un bâtiment devancé par deux grosses jardinières fleuries, que je suppose être l'accueil du refuge. Quelques hommes discutent près de l'entrée, tandis que d'autres balaient les allées, ratissent les chenils ou promènent des chiens.

– Hempton ! me hèle le contrôleur judiciaire en repassant la tête par la porte.

Comprenant que le moment de la morale habituelle est arrivé, je le rejoins sans me presser ni sortir les mains de mes poches, pas franchement impatient de me faire prendre une nouvelle fois pour un animal incontrôlable.

– Oui, Hempton, ricane d'une voix exagérément féminisée l'un des détenus avec lesquels j'ai partagé le convoi, va donc voir papa, qu'il te mette ton collier...

Il éclate de rire, imité bêtement par son acolyte, qui ne le quitte plus depuis notre descente du fourgon. Conscient de l'influx nerveux qui remonte immédiatement dans mes veines, je m'efforce de me remémorer ma récente résolution : plus de bagarre. Je n'ai aucun droit à l'erreur, et n'ai pas d'autre choix que de me concentrer sur ce que représente ma participation à ce programme de réinsertion.

Prenant une profonde respiration pour apaiser mes muscles déjà tendus par l'alerte que leur a envoyé mon cerveau habitué à réagir sans délai, je me contente de les considérer brièvement d'un regard chargé d'une supériorité qu'ils ne contestent même pas, avant de continuer mon chemin. Je n'oublie pas, au passage, d'adresser le même coup d'œil au tatoué qui me fixe depuis notre arrivée.

Je traverse une pièce plutôt chaleureuse, même si clairement masculine. Un large sofa usé dans un coin, un distributeur de boissons, quelques vieux fauteuils le long des murs. L'endroit ressemble fortement à une salle de repos. Pas des plus propres, mais en même temps, si elle n'est occupée que par des ex-taulards passant leurs journées au milieu des chenils... Au bout de la pièce, un bureau derrière lequel semble m'attendre un colosse au regard franc pointé sur moi. J'ai déjà entendu parler de ce type, et je dois avouer qu'il colle plutôt bien à l'image que je m'en étais fait. Lui-même ancien prisonnier à Waupun, Logan Dikson a créé ce refuge grâce à l'argent gagné en combattant pour la Ligue Underground, et en a fait un lieu de réinsertion, tant pour les pitbulls qu'il sauve du trafic clandestin, que pour les rebuts de la société comme moi.

Hope or Fight (spin off de Fight & Hope)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant