Comment je l'ai su

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Comment ai-je su que j'étais l'Okamy? C'était il y a cinq ans. J'avais donc neuf ans et j'habitais encore au Japon. Mes parents avaient une immense maison avec un ÉNORME jardin. Une rivière coulait et en printemps, les cerisiers embaumaient le jardin de leur parfum et je nourrissais des carpes blanches et rouges lors de mes temps libres.

Alors que je me promenais dans ce jardin, j'entendis une voix. Grave, douce, attirante, irrésistible. Elle venait du plus grand cerisier. Il était là depuis des centaines années et les gens racontaient que c'était un esprit qui sommeillait en cette forme.

Je m'approchais, les branches de l'arbre bougeaient au grès de la brise. Mais il n'y avait pas de vent. La voix me murmurait des choses que je ne comprenais pas. Des choses dans un autre langage. Je tendis ma main vers l'arbre et l'effleura.

Une décharge me traversa. J'ouvrit les yeux. Je n'étais plus dans mon jardin mais dans une clairière couverte de pétales de cerisiers. Une sorte de loup blanc se tenait devant moi. Sur son pelage luisaient des motifs flammes et il dégageait de la chaleur. Ses yeux verts pétillaient de malice. D'une voix grave, en fait celle que j'avais entendue, il me parla:

-Bienvenue Arisa, descendante des derniers Okamy.

Comme j'étais jeune, je ne compris pas tout de suite le sens de ses paroles. Le grand loup se leva et s'approcha de moi.

-Tu as été choisie pour accomplir une noble tâche.

Je ne dit mot.

-Comme tes parents te l'ont dit, les Okamy ont disparus depuis des centaines d'années mais en vérité, il n'en reste que deux. Ou bientôt, un seul et unique. Tu devras rester cachée jusqu'à tes quinze ans. Rester dans le secret, ne le dire à personne, et ne rien montrer. Pendant cinq ans tu devras apprendre à maîtriser tes dons, seule. Tu devras, je le sais c'est horrible, mentir à tes proches, leur faisant croire que tu es une certaine personne au lieu d'une autre. Une fois que tu seras sortie de cet arbre, tu devras t'en aller, le plus loin possible jusqu'à tes quinze ans. Tu seras en grand danger pendant tout le temps où tu auras moins que cet âge.

Je restai silencieuse. L'Okamy s'avança encore et me murmura:

Cours petite louve,

Ne plonge pas dans les douves

Des tes sentiments tourmentés,

Garde les yeux tournés,

Vers l'horizon voilé.

Dans six ans,

Quand sera venu le temps,

De tout abandonner

Garde la tête levée.

Utilise tes sentiments,

Pour changer le temps.

Une nouvelle décharge me traversa et je ne pus retenir le cri qui s'échappa de mes lèvres. Le loup, la clairière, les pétales, le sentiment de sûreté, tout ça disparu en un claquement de doigt et je me retrouvai par terre, les yeux clos.

Quelque chose m'effleura la joue, je le chassai et le regardai. C'était une fleur de l'arbre. Je regardai le cerisier et ce que je vis me coupa le souffle.

L'arbre qui avant avait une couleur d'écorce noire, avait un tronc blanc pur. Ses fleurs s'envolèrent et firent un nuage rose qui semblait murmurer. Je tendis l'oreille. Elles chantaient le poème que m'avait prononcé l'Okamy. Puis le nuage explosa et une lumière éblouissante me fit fermer les yeux. Quand je les ré-ouvris, l'arbre jadis fleurissant, avait l'apparence d'un arbre brûlé. L'Okamy était mort.

Histoire au fil des penséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant