REGARDE-LE (OS)

649 31 10
                                    

« Regarde-le. Il n'est responsable de rien. Regarde-le. »

« Je ne peux pas. C'est plus fort que moi. »

...

Il s'en était sorti. Après une lourde opération, un mois de coma et quelques semaines de repos, Raphaël Balthazar était comme neuf. Il ne souffrait d'aucune séquelle de son opération. Pas physiquement du moins car psychologiquement, c'était autre chose.

Il faisait des cauchemars la nuit. Revoyait Lise mourir. S'imaginait mourir brûlé vif dans sa voiture comme Delgado avait failli le faire. Puis il imaginait Maya tuer Hélène... puis c'est généralement là qu'il se réveillait. En pleurs et en sueur.

Raphaël ne supportait pas l'idée qu'on puisse faire du mal à cette femme. Elle occupait toutes ses pensées. Elle avait été là pour lui chaque seconde depuis son réveil. Il savait maintenant que c'était elle, qu'en faisant revenir Maya dans sa vie, il avait fait une erreur. Maintenant il la voulait, elle, Hélène. Mais comment réapprendre à aborder une femme qu'on a tant blessé ? Même si c'était sans faire exprès...

Hélène ne montrait aucun signe d'amitié ou d'affection envers lui depuis qu'il avait repris le boulot. Elle était cordiale, professionnelle. Mais sans plus. C'était le retour de la capitaine qui avait « le cancer du sourire » des premières semaines, quand elle avait débarqué de Valence et qu'elle avait chamboulé sa vie. Il savait maintenant que ce jour-là il était tombé amoureux d'elle.

Mais son cerveau avait cloisonné. Tout de suite. Dès qu'elle avait fait volte-face et prononcé les premiers mots qu'elle avait prononcés. « Valence, je viens de Valence. » Il ne voulait pas à cette époque-là donner autant d'importance à une femme, alors que le meurtrier de Lise courrait toujours.

Tout ça, c'était terminé maintenant. Du passé. Il en avait fallu du temps et des drames dans leur vie pour faire sauter ces cloisons. Il n'avait plus qu'à aller lui parler. En plus, elle n'attendait que ça.

...

Hélène avait décidé de laisser du temps à Balthazar. Il lui en fallait à elle aussi pour oublier tout ce qu'ils avaient vécu. Car ne pas la considérer comme une victime était une erreur.

Elle avait beaucoup souffert, pris en pleine gueule sa colère quand il avait appris pour ses investigations personnelles sur Maya, pris aussi sa souffrance quand il agonisait sur la route... en lui disant qu'il l'aimait lui aussi.

Ils n'avaient pas reparlé de tout ça, de ce qu'elle avait dit, de ce qu'ils avaient enduré... mais l'un et l'autre savaient que la prochaine fois qu'ils se parleraient, vraiment, ce ne serait pas pour rien. Ils savaient, sans l'avoir dit, que c'était un « nous » qui les attendait.

L'enquête qu'ils menaient ces derniers jours touchaient à sa fin. Il n'y avait eu qu'une seule victime. Qu'un corps. Et Balthazar s'était étrangement tenu à l'écart après l'autopsie. C'est donc en sursautant qu'elle l'accueillit alors qu'il frappait à la porte de son bureau au moment où elle allait boucler son rapport.

« Je vous dérange Hélène ? »

Il l'appelait Hélène depuis qu'il était revenu au travail. Pas capitaine. Mais il la vouvoyait toujours.

« Non entrez. Je finissais mon rapport. Qu'est-ce qui vous amène ? »

« Je... je me demandais si vous seriez disponible demain soir pour dîner. »

Elle bloqua quelques secondes sans répondre et en le fixant, avant de détourner le regard sur son dossier qu'elle referma.

« Malheureusement demain soir je dîne avec mes enfants. »

Regarde-leOù les histoires vivent. Découvrez maintenant