Chapitre 14

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- Vous allez tellement me manquer toutes les deux.

Raven nous enlace ma fille et moi, sans doute pour me cacher ses yeux que je sais brillants.

- Toi aussi, je murmure.

Coincée entre nos deux corps, Madi gigote. Je m'éloigne un peu afin d'éviter de l'étouffer.

- J'en reviens pas, je ne pensais pas un jour pouvoir te dire adieu. Ni à toi ni à cette chipie.

- Moi non plus.

J'étais persuadée que si un jour nous devions être séparées, ce serait à cause de la mort de l'une ou de l'autre. Pas parce que je partirais de mon plein gré. Et de ce fait, nous n'aurions pas eu l'occasion de nous dire pour la dernière fois au revoir.

- Tu as de la chance que je n'aie pas de téléphone, sinon tu peux être sûre que je t'harcèlerais tous les jours pour prendre des nouvelles, elle rit.

- Je n'en doute pas une seule seconde.

La brune jette un regard triste vers le matelas que j'ai utilisé jusqu'à présent. Huit ans. Huit longues années que je m'allonge dessus nuit après nuit, jour après jour. J'ai du mal à me dire qu'à partir de ce soir, cette vie sera terminée. Je ne sais pas exactement ce qui m'attend mais une chose est sûre, ça ne ressemblera en rien à ce que j'ai pu connaitre depuis ma naissance.

Ce n'est pas la liberté que je vais chercher, bien au contraire. Je change simplement de prison. Reste à voir laquelle sera la plus confortable.

- Je refuse que quelqu'un d'autre dorme là, elle dit soudainement. Je vais y foutre le feu. Problème réglé comme ça.

- Il faudra bien que tu t'y fasses, je réponds en souriant doucement. La roue continue de tourner.

- C'est comme à l'orphelinat, elle souffle. Même si on n'a pas envie d'être là, on devient une sorte de famille. Et voir des gens de sa famille partir, c'est jamais agréable.

Cette fois, elle ne peut retenir quelques larmes qui roulent le long de ses joues. Et moi, je ne peux m'empêcher de la prendre dans mes bras en faisant attention à ne pas écraser ma fille.

- Tu es ma famille, je chuchote à son oreille. On n'a aucun lien de sang mais je te considère comme ma soeur. Sans toi, je serais morte.

- Espèce d'idiote, elle marmonne. Rien ne sera pareil sans toi. Qui est-ce que je vais pouvoir embêter avec mes projets imaginaires maintenant ?

- Tu trouveras. Tu trouves toujours.

- Sois prudente.

- Toi aussi.

Nous nous écartons délicatement, les joues aussi humides l'une que l'autre.

Raven se penche vers la petite.

- Prend bien soin de ta maman pour moi d'accord ? Elle va avoir besoin de tout le soutien possible.

- C'est plutôt à moi de te dire ça.

- Moi je connais ce qui m'attend. Pas toi, elle rétorque. Alors tu ne me contredis pas pendant que je donne les dernières consignes de sécurité à ma filleule !

C'est dur. Je ne pensais pas que ça le serait à ce point. Raven et moi, c'était comme une évidence platoniquement parlant. Je ne doute absolument pas que si nous nous étions rencontrées dans des circonstances différentes, nous serions devenues ce genre d'amies inséparables, qui parlent à n'en plus finir le soir au téléphone. Ce genre de soeur que la vie nous donne. Et dans cet enfer, elle a été mon pilier, ma force, ma raison d'avancer.

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