L'Agrégé contre le Dragon, par Anthony Boulanger

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L'Agrégé contre le DRAGON, par Anthony Boulanger

One Mind to rule them all, One Mind to find them,
One Mind to bring them all and in the Soldier bind them
In the Land of Golden Death where the Shadoks (?) lie

Graffiti anonyme sur les murs de la caserne de Pompez-i

La sirène du réveil me vrille l'esprit sans passer par les tympans, comme si l'on m'avait branché les neurones directement sur l'horloge atomique du vaisseau. En un certain sens, c'est le cas, avec la tripotée de senseurs et de moniteurs implantée dans mes entrailles. Ils ont beau être sans fil, le lien existe, impalpable mais omniprésent avec Ortalis, l'intelligence artificielle qui, elle, jamais ne dort. Habitué des vols à travers les trous noirs et du harnachement qui va avec, j'attends plusieurs secondes avant d'ouvrir les yeux. Ça y est, mes perceptions sensorielles reviennent. Je sens le liquide de protection refluer autour de moi, vidangé par la couchette. Lorsque je descelle enfin mes paupières, une lueur tamisée bleue est diffusée dans le caisson pour ne pas m'arracher des cris de douleur.

— M.C.P. Ony, au rapport, murmuré-je, plus par habitude et tradition que par nécessité.

Je sais que l'Ortalis a déjà perçu mon réveil. Elle projette d'ailleurs, sur la paroi de mon cocon, l'ordre de mission qui a généré mon réveil. Une petite planète, nom de code P3R-233, nom local Mirror. L'objectif est simple : élimination de la menace biologique génocidaire.

Ça y est, on repart à la castagne ?

Bon… Il semble que mes personnalités se réveillent à leur tour. En arrière-plan, je perçois plusieurs Anthony se saluant et mes globes oculaires sont plus pesants, comme si tous étaient des animalcules dans mon crâne et lisaient en même temps que moi à travers mes yeux. D'une certaine manière, c'est le cas. Je lis, je vois, je sens, et eux traduisent les informations neuronales comme s'ils vivaient la même chose. Parmi les M.C.P., les Maîtres Contrôles Personnalités, je suis un cas unique. J'héberge bien quelques esprits de scientifiques, hommes et femmes, pour leur cortège de connaissances, mais la majorité de mes passagers sont mes propres personnalités individualisées. Tant d'Anthony réduits à un concept, à un trait de caractère que je n'ai jamais pu tous les recenser. Plutôt que d'augmenter les capacités de transport des vaisseaux spatiaux, la raréfaction des matériaux nécessaires aux voyages à travers les trous noirs a conduit à limiter la taille des engins à une capsule gérée par une I.A. et à mettre plus de monde dans un seul corps.

Ainsi suis-je, Anthony, M.C.P, surnommé Ant, la fourmi à cause de mon esprit fragmenté que je surveille comme une reine insecte, ou Ony, en référence aux démons japonais de la préhistoire stellaire.

On ne sait même pas ce qu'on va nettoyer. C'est quoi cette mission ?

Ça a l'air costaud en tout cas.

Le Râleur et Capitaine Obvious sont au premier plan de mon esprit ce soir. Je fais défiler les pages d'une commande vocale et des images satellites et des documents amateurs apparaissent. Anthony a raison. Les premiers incidents remontent à trois mois de référence m'indique l'Ortalis qui a tenu le dossier à jour pendant mon inconscience programmée. L'IA m'affiche une mappemonde avec la manifestation du phénomène au cours du temps. Ça se déplace, vite, et un cumul gonfle et gonfle dans un coin du rapport tandis que les continents de Mirror sont traversés. Trois milliards de morts ? J'hallucine et, aux rumeurs sous mon crâne.

— Ortalis, dis-je à voix haute. C'est quoi cette blague ? On a beau être une pelletée de personnes dans ce corps, on a peut-être une technologie de pointe embarquée dans ce bout de sarcophage, mais ça n'en reste pas moins qu'un seul corps. Vulnérable et mortel. Si c'est vraiment un organisme vivant qui a causé ça…

Walrus Institute 2: Monsters !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant