Chapitre 16

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Deux semaines se sont écoulées depuis ma première présentation officielle. Entre-temps, nous sommes encore sortis quelques fois afin qu'il puisse bien m'afficher. Comme promis, Madi a été évoquée à plusieurs reprises à son entourage. Ce qui signifie que nous sommes toutes les deux devenues des visages et des noms reconnus. Ma fille sera donc assez rapidement montrée à ce monde de requins.

J'ai peur pour elle mais en même temps, je me dis qu'il pourra lui faire moins de mal si elle doit, elle aussi, être présentée à toute cette foule. Ou alors de manière plus insidieuse comme dans mon cas. Je ne peux qu'espérer que je lui suffise. Sinon je vais devoir tout faire pour l'en empêcher, quitte à me prendre des coups supplémentaires. Hors de question qu'il touche à un seul de ses cheveux.

Pour l'instant, il reste assez calme vis-à-vis d'elle. En même temps, ce n'est pour l'instant qu'un bébé. Il n'est pas idiot, il sait que le moindre choc pourrait lui être fatal. Et ça ne serait pas bon pour son image que l'enfant dont il a juré de prendre soin meure aussi rapidement. Je suppose que les médias sont toujours aussi prompts à sauter sur la moindre occasion d'article croustillant.

Je me demande si elles vont bien, Alexandra et Raven. Je l'espère en tout cas.

De mon côté, je m'accommode à ma nouvelle condition. Je pensais que rien ne pouvait être pire que de se faire appeler à toute heure de la journée pour satisfaire les fantasmes divers et variés d'inconnus, mais je me trompais. Au moins, je savais un minimum à quoi m'attendre à la longue. Ici, je n'ai jamais le moindre avertissement. A tout moment il peut se lever de son fauteuil pour me tripoter, me battre ou autre. Je ne peux rien faire d'autre que serrer les dents.

Je lui suis entièrement et totalement soumise. Et c'est exactement ce qu'il souhaite.

Au moins, avec son travail, il doit passer plusieurs heures d'affiliées dans son bureau sans en bouger. Ou parfois il sort pour des réunions importantes. Ce n'est que dans ces moment-là que je peux me permettre de me détendre un minimum, de prendre Madi dans mes bras et de la bercer.

Elle est devenue un peu plus capricieuse ces derniers temps. Je suppose que c'est à cause du changement d'environnement et de mon anxiété presque constante.

J'ai gardé le bracelet d'Alexandra, bien qu'il ne soit plus au poignet de ma fille mais à sa cheville, en dessous de son pyjama. J'ai trop peur que Cillian ne le découvre et le jette à la poubelle. Il en serait totalement capable. Il fait tout ce qu'il peut pour me briser et me rendre docile. La parfaite petite épouse serviable qu'il désire.

La porte d'entrée claque violement, signe que mon mari vient de rentrer. Je me précipite aussitôt à sa rencontre. C'est l'une de ses exigences, que je l'accueille. Il a sa tête des mauvais jours. Je sens que je vais prendre cher.

L'homme me détaille de la tête aux pieds. Je commence à avoir l'habitude de ce petit rituel. Il vaut s'assurer que je porte bien ce qu'il a surnommé l'uniforme. Ce n'est pas vraiment une tenue que je dois porter tous les jours. Disons plutôt que celle-ci doit toujours correspondre à certains critères : une jupe courte, laissant presque apercevoir la naissance de mes fesses et un haut soit moulant soit décolleter.

- Va mettre un jeans et un pull, nous sortons.

Il a toujours eu à coeur de sauver les apparences.

Je me précipite vers la chambre. Mes mains tremblent tandis que je me change. C'est la première fois que nous allons dehors de jour. D'habitude, c'est pour l'une de ces soirées interminables durant lesquelles je dois jouer la femme parfaite le tout en cachant la douleur que chaque mouvement me procure.

Dans la voiture, je ne parviens pas à me calmer. L'homme qui le conduit a l'air clairement en rogne et je le sens de moins en moins.

Nous nous garons devant un immense bâtiment complètement fermé. En vérité, toute la surface du terrain semble recouverte.

Je n'ai pas le temps de réfléchir plus que je suis tirée sans aucune délicatesse vers une petite porte surveillée par un garde. Je me fige en reconnaissant son uniforme. Non, ça ne peut pas être possible. Pas après tout ce que j'ai enduré.

- Avance, ordonne simplement mon fiancé.

- Pitié, je murmure. Je... Je ferais tout ce que vous voudrez mais ne...

- Tu n'y retournes pas abrutie. Ils ont déjà une nouvelle pute pour te remplacer.

Je ne sais pas si je dois être rassurée ou pas par cette phrase. Elle sous-entend clairement que à tout moment on peut trouver une autre à ma place. Y compris à la place de Joséphine je suppose.

C'est le directeur de la section plaisir qui nous accueille, un sourire aux lèvres.

- Mon très cher neveu, quelle joie de te revoir.

- Je dirais bien la même chose que vous mon oncle si les raisons de ma venue n'étaient pas si désagréables.

- Je m'en doute je m'en doute. Promis, nous ferons bien attention à ta petite femme. Rien de visible comme promis.

- J'espère pour vous, j'ai un gala important dans deux jours.

- Et elle sera dans un état présentable. Maintenant je vais devoir te demander d'attendre ici. Le protocole.

- Bien, il se tourne vers moi, fais ce qu'on te dit ou je t'assure que ça ira mal pour toi en rentrant, peu importe ton état.

Je dégluti nerveusement en hochant la tête.

- Maintenant 319, suis-moi.

- Oui monsieur.

Je n'ose pas poser la moindre question malgré mon esprit torturé.

Contrairement à ce que j'ai cru au premier abord, nous ne nous dirigeons pas vers le bâtiment que je connais depuis maintenant huit ans. Je ne sais pas vraiment à quoi ressemble le côté visiteur mais il n'y a aucun bruit équivoque. Et je sais par expérience que les murs ne sont pas toujours très bien isolés.

Nous descendons plusieurs escaliers. Les lieux sont sombres et dépourvus de vie. J'avoue ne pas m'attarder sur le décor tant le stress me ronge. J'ai l'impression de brûler à petit feu.

Cillian doit attendre en haut, ça veut donc bien dire que je vais retourner avec lui pas vrai ? Ils ne vont pas me tuer alors.

Peut-être qu'ils ont un client particulièrement important qui veut jouer une dernière fois avec moi. Mais ce serait étrange quand même, il aurait pu venir avant mon départ. Ou au moins plus tôt.

L'homme me laisse entrer la première dans une petite pièce dépourvue du moindre mobilier, à l'exception d'une petite table basse. A droite, le mur entier n'est qu'un immense miroir que je fixe avec étonnement.

Je n'avais jamais entendu parler de cet endroit. Pourtant je pensais connaitre un minimum les lieux après y avoir passé autant de temps.

Avant que je ne comprenne ce qui m'arrive, un homme masqué m'attrape et me place au centre, face au miroir. Mes mains sont attachées au-dessus de ma tête par de lourdes menottes. Mes pieds touchent à peine le sol.

- Je suis sincèrement désolé de devoir en arriver là 319, prononce le directeur. Après toutes ces années de bons et loyaux services, je n'ai aucun doute sur ta fidélité.

Il se rapproche jusqu'à n'être plus qu'à quelques centimètres de mon oreille.

- Si j'ai un petit conseil, plus tu crieras, de manière réaliste entendons-nous bien, plus vite tout cela sera terminé.

J'ai à peine le temps d'assimiler ses paroles qu'il repart en fermant la porte correctement.

- Tout est en place, retentit une voix qui vient certainement d'un interphone.

Un sourire malsain se dessine sur le visage de celui enfermé avec moi. Il dépose un paquet sur la table avant de se tourner vers moi, un scalpel à la main.

- Dans ce cas, commençons.

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