Chapitre 22 : Sous pression

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"Nous devons être prêts à nous débarrasser de la vie que nous avions prévue, de manière à avoir la vie qui nous attend." - Joseph Campbell

" - Joseph Campbell

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20 heures 15

Vénus

Le tableau de bord indique vingt heures quinze. Autrement dit, ça fait des heures que nous roulons sur l'autoroute. Combien à peu près ? Je n'en ai pas la moindre idée. J'ai arrêté de compter les secondes lorsque Jeanne s'est mise à chanter "Billie Jean" en boucle.

- She's just a girl who claims that I am the one, but the kid is not my son. She says I am the one, but the kid is not my son.

Ironique, n'est-ce pas ?

Sa voix est grinçante, sinueuse, j'ai envie de lui hurler d'arrêter tant elle m'insupporte. De lui hurler combien je la déteste, combien elle me dégoûte et, surtout, combien je rêve qu'elle cesse de jacasser. Je suis à bout. À bout de nerfs, à bout de force, à bout de tout. J'ai atteint mon seuil de tolérance, je l'ai peut-être même surpassée ces dernières heures.

- Billie Jean is not my lover. She's just a girl who claims that I am the one, but the kid is not my son.

J'aimerais me boucher les oreilles, mais mes poignets sont liés. Avant de partir, mes ravisseurs ont jugé bon de me les attacher afin que je n'essaie pas de m'enfuir. Ni que je les dérange dans leur conduite. J'ai réfréné un juron, parce que, bon sang, c'aurait été suicidaire de simplement l'envisager. Et puis, finalement, l'idée ne m'apparaît plus tout à fait si grotesque. Nous roulons actuellement à plus de cent dix kilomètres heures... Tenter de m'échapper sous ces conditions nous mènerait droit à la morgue.

Et, oui, j'admets. Ne serait-ce pas mieux comme perspective de fin que de me rendre chez ce Dan ?

Après tout, je ne suis plus très loin de ma dernière heure. Je le sens. Pire que ça, je le vois. Mon reflet dans le rétroviseur est similaire à celui d'un mort. J'ai perdu mes couleurs - pour dire, mes tâches de rousseurs ont comme perdues de leur vivacité - et j'ai dans le regard une lueur miséreuse. Des bleus et des gonflements me défigurent, sans parler de mes cheveux poisseux, du sang qui perle de mes plaies ainsi que de mon corps, dont je n'ai pas la force de faire état.

C'est simple, je ne me reconnais pas.

La douleur est trop grande, trop profonde. Honnêtement, je ne sais même pas comment je suis encore en vie, comment mon corps tient encore le coup. La blessure par balle me lance un peu plus à chaque seconde qui passe ; le garrot me coupe la circulation sanguine à tel point que je ne sens plus ma jambe. D'ailleurs, je ne suis pas certaine que le garder si longtemps soit une très bonne idée... Mon estomac se tord quand j'inspire, ma peau me brûle, me démange, me supplie de la soigner. Et j'omets le reste, puisqu'il me faudrait des heures entières pour décrire ce qui ne va pas. Ce qui ne va plus.

RÉSILIENCE Où les histoires vivent. Découvrez maintenant