Quelqu'un Pour Toi

CHAPITRE 11

SÉFIA

Je peste intérieurement contre le déluge qui s'abat sur le sol californien. De grosses gouttes s'écrasent sur mes mains glacées tandis que je pousse les portes principales de Lawton High, avant de m'engouffrer avec hargne dans la foule  qui se bouscule dans le couloir. En jouant des coudes, j'arrive enfin à mon casier, où m'attendent mes deux amies, totalement sèches.

— Salut Séfia ! Ça va ? demande Chani, avec entrain.

Je tire ma capuche pour révéler mon visage humide et elle pince les lèvres pour se retenir de rire. Mes longues boucles pendent dans le vide, et ressemblent désormais à de la fiente d'oiseau. De minuscules gouttelettes coulent le long de mon nez et de mes cils. Mais ce qui m'exaspère le plus, c'est le bruit spongieux de mes chaussures à chaque pas que je fais.

— Ça t'aide si je te dis que l'averse devrait se terminer dans l'après-midi ?

Je hausse un sourcil, avant de m'appuyer contre mon casier, la moue boudeuse.

— Je dois y aller, il faut que je développe des photos pour mon cours d'option. On se voit plus tard, les filles ! lance Coco, en s'éloignant déjà.

Chani se tourne vers moi et me sourit narquoisement. Je redoute déjà le sarcasme qui s'apprête à jaillir de sa bouche...

— J'adore ton sweat, darling.

— Tu fais dans l'humour, maintenant ? je soupire, avec désinvolte.

Je baisse la tête sur mon haut dégoulinant. Elle glousse et recule, tout en me pointant du doigt.

— Ouh... J'adore la Séfia qui crache le venin !

Je lève les yeux au ciel, ce qui la fait d'autant plus rire. Ses bottines à talons claquent sur les dalles, tandis qu'elle se tourne vers le bain de foule.

— Je te laisse, j'ai un devoir à rendre en histoire ! Bye !

Je croise les bras, feignant un air choqué, mais je n'ai qu'un baisé soufflé en guise de réponse. Elle s'enfuit sans demander son reste, et disparaît dans toute cette cohue. J'ouvre mon casier et attrape les livres dont j'aurai besoin aujourd'hui.

Et ce simple geste me propulse violemment quelques mois en arrière...

Je me dépêche de rejoindre Skylar, qui ouvre son casier, le sourire aux lèvres. Je mordille l'intérieur de mes joues en regardant autour de moi. Il faut absolument que je lui parle de samedi soir. Elle sort la tête de la case métallique et me sourit.

— Salut Séf ! T'en fais une de ces têtes ! Il y a un problème ? demande-t-elle, joyeusement.

Je la fixe un instant. Elle n'a pas l'air... différente. Ces yeux qui pétillent m'indiquent même qu'elle se souvient probablement de ce qu'elle a fait, l'autre soir. Elle ne le regrette peut-être pas, finalement... Néanmoins, je me lance timidement.

— Tu te souviens de ce qu'il s'est passé, chez Caeden ?

Elle fronce les sourcils et serre son cahier contre sa poitrine. J'ai l'impression d'avoir dit quelque chose qu'il ne faut pas. Pourtant, entre elle et moi, il n'y a aucun tabou...

— Et de quoi devrais-je me souvenir ? demande-t-elle, le ton moqueur.

J'ouvre la bouche, mais rien ne sort. Comment suis- je censé dire à ma meilleure amie que je suis presque sûre qu'elle a couché avec son copain, mais qu'elle n'a pas l'air de se rappeler de quoi que ce soit ? Je me rapproche encore d'elle, pour qu'il n'y ait qu'elle qui puisse entendre ce que je vais dire.