Nous étions le 10 février 1941, trois semaines auparavant, trois Me-109 avaient mitraillé un Spitfire. Il était seul et il était passé au-dessus d'Aachen pour bombarder les hangars de la Luftwaffe juste à côté de la ville. Au début, quand il est arrivé, tout allait bien ; enfin c'est une façon de parler, c'était tout de même un avion chargé de bombes... Mais quand les trois avions nazis sont arrivés j'ai cru que l'aviateur anglais allait bombarder la ville... Et je ne suis pas la seule. En effet tout autour de moi on s'est mis à courir dans tout les sens en criant : "Schnell, in den Kellern !" (Vite, dans les caves !)
J'ai toujours vécu à Aix-la-Chapelle et jamais je n'avais jamais eu aussi peur de voir détruit notre belle ville surtout à cause d'une bataille idiote entre quatre avions... Heureusement, rien n'est détruit, ni la cathédrale byzantine de Charlemagne, ni l'Hôtel de Ville qui lui fait face ... Mon mari Karl Paulus, maire d'Aachen (mais sûrement plus pour très longtemps), était en réunion à la mairie avec de hauts dignitaires d'Etat comme Rudolf Hess, le secrétaire d'Hitler. Il dû mettre fin à sa réunion afin d'ordonner la mise-aux-abris de l'ensemble du conseil municipal. J'ai refusé, de mon côté, de descendre dans un sous-sols. Je voulais voir comment allait finir cette bataille aérienne. Je me suis donc juste abritée sous un porche et j'ai observé. L'anglais était agile et rapide, il faillit échapper aux Me. Mais une fois ses bombes larguées, il ne survécut pas longtemps... Il s'est écrasé sous nos yeux... son parachute est tombé sans lui. Beaucoup de Aixois sortirent de leur cachette à ce moment-là. En état de choc pour une grande majorité qui avaient crains pour notre ville, d'autres, acclamèrent les deux Me restant qui, apparemment conscients des acclamations en leur honneur, firent quelques cabrioles aériennes pour s'attirer les foules. Mon cerveau tournait à cent à l'heure pour ne pas trop me préoccuper de cet anglais, mort en héros pour son pays, seul, je me disais en moi-même : "Ils ont eu l'avantage du nombre. L'anglais aurait sûrement survécu sans cela et serait rentré dans son pays. Mais bon, ce n'est pas si grave. Il y a d'autres anglais sur Terre, non ?" Je me sentais un peu mal de penser ainsi mais c'était la guerre et l'Angleterre était un pays ennemi. En Allemagne, il fallait penser ainsi pour survivre, c'était une question de vie ou de mort, il ne fallait jamais s'opposer aux idées politiques que propageait Hitler. Ce soir-là donc, Karl était rentré de sa réunion avec un visage grave. En effet, le conseil n'avait pas beaucoup apprécié devoir interrompre leur réunion.
Le lendemain, on apprit que l'avion est son conducteur avait bel et bien brûlé et qu'il n'y avait aucun reste du pilote à part une veste en cuir décimée, selon le rapport du commandant responsable des garages. Le surlendemain de l'accident, ce même commandant fût exécuté pour non-respect des ordres reçus et du matériel public. A sa place, on mit un jeune garçon d'à peine une trentaine d'années qui était passé par Vogelsang en 1936.*
Ainsi, la réunion avec Rudolph Hess a été reportée au 10 février. Pourtant, ce rendez-vous fut encore annulé : le lendemain, l'Allemagne et l'URSS devaient signer un accord commercial. Hitler avait donc besoin de son secrétaire. Tous ces décalages étaient problématiques pour la sécurité d'Aix la Chapelle. En effet, sa position stratégique lui imposait de devoir subir chaque jours des vols d'avion pour accéder aux hangars (récemment reconstruits) et la réunion avait pour but de changer la position de ces garages. Mais, cela n'avait pas l'air de vraiment intéresser notre chef d'Etat. Cependant, c'était également une bonne chose que la réunion n'ait finalement pas eu lieu ce jour-ci, le 10 février 1940. En effet, comme tous les samedi, je devais garder mes petits-enfants, ce que je fais souvent seule, le samedi étant régulièrement jour de réunion à Aix-la-Chapelle. Mais pour cette fois-ci, Karl put m'accompagner, à la grande joie de Carla, Lioba et Timo (trois charmants enfants ! ). Nous avons donc passé l'après-midi dans la neige fraîchement tombée. Une fois les trois enfants couchés et endormis, l'arrivée de Miriam, leur mère (et accessoirement notre fille) nous permit de rentrer dans notre vieille maison. Il faisait nuit noire, le ciel était remplit de nuages chargés de neige. La voiture avançait lentement et il fallu trente minutes au lieu de quinze pour rentrer. En arrivant chez nous, le courant avait sauté, il y faisait un froid de canard. En descendant de la voiture, nous avions tout de suite sentit qu'il y avait un soucis. Mais, c'est au moment de descendre rallumer le courant que cette sensation fût la plus forte. Partout, dans la cave, il y avait une forte odeur de cramé, comme si quelqu'un avait décider de faire un feu de bois dans celle-ci mais avait dû l'éteindre en catastrophe. Un peu étonnés mais extrêmement fatigués par une journée à courir après nos petits enfants, nous avons décidé d'aller nous couchés.
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Historical Fiction1941 Un aviateur anglais, une française pétainiste, un couple d'allemands. L'entraide... ou la mort. Survivre ensemble en laissant ses idéologies et les différents de côtés ou tous mourir. Il faut choisir. Ecouter, réfléchir, quitter ses positions...