SIGMA ENERGY - T2 - Le Brasier de la Rébellion

CHAPITRE 1 - Segger [3|3]

Je me relevai de mon siège et me dirigeai vers la porte de mon bureau. Un jeune homme se tenait devant l'entrée. Il avait le visage rougis par l'effort et soufflait discrètement pour reprendre contenance.

— Agent Harrison, du service de surveillance B3. Je vous prie de m'excuser de ne pas avoir suivi le protocole, notre équipe a été surprise de le voir se réveiller ce matin.

J'acquiesçai, le renvoyai d'un signe de main et m'engageai dans le couloir d'un pas rapide. Direction le laboratoire A1. En cours de route, je me rendis compte que je n'avais même pas songé à demander à cette recrue le nom de l'enfant qui avait enfin émergé. Je savais que j'aurais pu simplement me rendre dans la salle des caméras pour y trouver mes réponses, mais j'aurais eu le sentiment de ne pas aller au bout des choses. J'inspirai une grande goulée d'air, déposai mon badge sur la base électronique et attendis le déclic.

J'avais beau être sûr de mes projets, certaines choses m'avaient changé. Tout me semblait si différent maintenant que Rex n'était plus là. Et même si ces autres enfants étaient exactement comme lui, avec des facultés magiques qui en auraient fait rêver plus d'un, j'avais le sentiment que ce n'était pas pareil sans lui.

Devais-je arrêter mes projets, tout laisser en plan et me construire une nouvelle vie ?

Devais-je continuer et aller jusqu'au bout, après tout ce que j'avais déjà entrepris ?

Je n'avais pas cessé de me poser ces questions, en proie à un million de doutes. Et à chaque fois, jouer le rôle du grand méchant me parut ce qu'il y avait de plus facile à faire. C'était lâche, mais nettement plus simple que d'essayer de se racheter des autres.

Après tout ça, je ne pouvais pas me faire pardonner.

Ni aujourd'hui, ni demain, ni même aucun autre jour.

J'étais Segger, un scientifique dans l'âme et un homme qui ne mettait pas fin à ses ambitions. Pas après neuf années de recherches, de traques et d'études sur ces jeunes adolescents.

Décidé, je baissai la poignée et ouvris la porte. La luminosité qui se répandait dans la pièce était écrasante et accentuait mon malaise. Le silence était assourdissant et j'avais la sensation que l'horloge de mon bureau et son tic-tac sans fin avaient pris place dans ma tête. J'analysai la pièce, la blancheur présente de partout et l'unique calendrier au mur qui indiquait 2017. Alors que les Sigmas n'avaient pas changé, j'avais l'impression d'avoir pris dix ans.

Et dire que tout avait commencé un fameux jour en 2008 ! Je n'aurais jamais imaginé que j'en serais arrivé à ce point...

J'observai un à un ces enfants et les capsules qui les retenaient dans ce que je supposais être un lourd sommeil. Avec les mois, j'avais l'impression que les couleurs sur chacune d'entre elles devenaient de moins en moins vives, de moins en moins éclatantes.

Leurs enveloppes protectrices semblaient se dégrader petit à petit et perdaient de l'énergie de manière alarmante. Les Sigmas semblaient aussi fragiles que des poupées en porcelaine derrière cette immense baie vitrée.

Et inévitablement, j'avais peur que le fil de leur vie ne soit en train de s'étioler sous mes yeux.

— Alors même après tout ça, tu en as encore après nous ? Tu es vraiment pathétique, Segger !