CHAPITRE 2 - Néo [3|3]

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Parfois, je doutais presque de mon appartenance aux Sigmas. Et si je n'étais qu'un enfant troublé, devenu instable à cause de ses prémonitions ?

Je secouai négativement de la tête, déconcerté d'avoir pensé à cette éventualité. Selkins avait détecté que j'étais Sigma par le biais de ces expériences : je n'avais donc aucune raison de douter ainsi.

Je fis quelques pas de plus en direction de la paroi de verre et déposai ma main sur sa surface froide. Comment pouvais-je les aider ? Existait-il vraiment un moyen pour les sortir de là ?

Dans mes idées les plus folles, je m'étais imaginé le jour où quelqu'un ouvrirait cette porte. J'avais songé comment je bondirais sur cette personne, la plaquerais au sol et sortirais dans le couloir pour m'enfuir et trouver de l'aide.

J'étais même allé jusqu'à envisager l'existence d'un Sigma capable de remonter le temps, afin de que tout redevienne comme avant. Mais, raisonnablement, j'avais laissé tomber cette fantaisie. Il me faudrait des mois – voire des années – pour trouver, dans un monde aussi vaste, un tel individu.

En supposant qu'il existe réellement.

J'étais livré à moi-même et sans allié. Le seul dont avait mentionné mes amis incarnait un inconnu. Je ne savais ni son nom, ni même s'il travaillait encore à la Sigma Corpse en tant qu'agent double. Si seulement mes semblables m'en avaient parlé davantage... Peut-être aurais-je trouvé une solution pour tous nous libérer, de ces bulles de protection comme des griffes de Segger ?

Je détaillai à nouveau ces boucliers magiques, leurs couleurs, plus ou moins vives, qui reflétaient l'essence des facultés des Sigmas et les corps figés de mes amis. Une journée de plus s'écoulait sans que je ne puisse rien accomplir.

Je n'avais jamais autant espéré que Segger parvienne à percer le mystère que nous symbolisions et trouve le moyen pour sortir mes compagnons de leur état.

Je soupirai, las, et pris place par terre, épuisé d'attendre. Comme à chaque fois que les brumes du sommeil flottaient devant mes yeux, je me recroquevillai à même le sol, dans un coin de la pièce, les bras croisés pour tenter de me réchauffer face à la froideur du dallage.

Je sursautai brutalement, m'extirpant de la torpeur dans laquelle je m'étais assoupi. La caméra, d'habitude immobile, venait de bouger et émettait, dans son action, un bruit électronique déstabilisant. Pour la toute première fois, je savais que quelqu'un me regardait.

Je n'étais jamais vraiment parvenu à deviner si, derrière l'œilleton de l'appareil, une personne observait les moindres de mes faits et gestes – pour la plupart inintéressants – ou si ce n'était qu'un leurre.

Aujourd'hui, j'avais ma réponse : un agent de la salle de vidéo de surveillance devait passer ses journées à m'épier et étudier mon comportement. Je me détournai, écœuré.

Les gens possédaient-ils aussi peu de jugeote pour laisser un gamin enfermé de la sorte ?

Je me relevai, le besoin de dormir envolé, et m'approchai de la vitre blindée. Il valait mieux l'ignorer. Je reportai mon regard sur Zoé et m'aperçus d'un détail. L'enveloppe protectrice qui l'entourait avait disparu. Que se passait-il donc ? Était-elle en train de mourir comme l'avait supposé le Diable ? Je me dirigeai à la hâte vers l'unique issue et tambourinai dessus de toutes mes forces. Il fallait que quelqu'un m'entende !

— Segger ! Je t'en prie, écoute-moi ! Il se passe un truc avec Zoé ! Ouvre cette foutue porte, pitié ! Je sais que vous m'entendez ! criai-je ensuite à la caméra. Faites quelque chose !

Il n'y eut aucune réponse, aucun signe. Se fichait-on à ce point de notre devenir ? Impuissant, je me laissai glisser contre le mur. J'avais déjà perdu les jumeaux, Sylphide et Rex. Je n'avais pas envie de perdre quelqu'un d'autre...

Je sentis mon cœur se serrer à la pensée de mes premiers amis Sigmas. Et dire que je ne savais même pas où ils se trouvaient ! J'avais pourtant promis de toujours veiller sur eux... Rageusement, j'abattis mon poing sur le revêtement du sol. Une seule larme glissa sur ma joue. Elle était le témoin de ce passé à présent loin derrière moi.

Dans un ultime espoir, j'observai à nouveau la silhouette de Zoé. Et si Segger se trompait ? Je me mis à guetter le moindre frémissement de ses longs cils, la moindre esquisse sur son visage. J'attendais le plus infime indice, un souffle, un soupir, un mouvement. Peu m'importait à cet instant d'être enfermé à la Sigma Corpse, si Zoé était sur le point de se réveiller, je voulais pouvoir la soutenir. Car je savais que, comme moi, elle ne serait au courant de rien...

SIGMA ENERGY - T2 - Le Brasier de la RébellionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant