CHAPITRE 11 - Aldo [3|7]

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En franchissant la porte, la première chose qui me frappa fut l'odeur

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En franchissant la porte, la première chose qui me frappa fut l'odeur. Celle chargée de l'humidité de la pluie de la veille, mais aussi celle du cuir de nos rangers et du métal qu'on affûte. Je perçus le brouhaha dans la pièce qui laissa place à un silence pesant à mon entrée. Je n'étais revenu de mon excursion que depuis une quart d'heure, aux premières lueurs du matin. Je n'avais pas dormi de la nuit, traînant sous l'averse en attendant que le soleil ne se lève.

Fort heureusement pour moi, même si mes pouvoirs n'étaient plus, j'avais conservé mon immunité élevée. Si bien que, quand bien même j'avais passé les dernières heures sous une pluie diluvienne, je n'étais pas enrhumé. Je passai ma main dans mes cheveux blonds pour enlever les gouttes d'eau encore accrochées. Ils devenaient un peu trop long, il faudrait que je songe à les couper avant que le Sergent Davis ne me fasse une remarque.

Le silence se prolongea, mais j'en fis fi et me dirigeai vers mon lit. Je retirai mes vêtements, véritables loques gorgées d'eau, et les remplaçai par mon treillis militaire sec et ma paire de rangers. Je sentais encore leurs regards dans mon dos. Pourquoi semblaient-ils si surpris de me voir ?

La réponse vint d'elle-même. Ils savaient. Tous. Ils étaient déjà au courant que Télio m'avait préparé une embuscade pour me mettre sur le banc de touche. La rancœur amère me brûla la gorge. Je ne devrais pas être étonné. Je n'avais jamais réussi à intégrer le groupe après tout. Ils étaient trop naïfs en pensant que tout était un jeu. Mais ce n'en était pas un.

Je ne savais pas encore quoi faire de Télio. Ce qu'il avait fait était inqualifiable. Toutefois, il m'avait offert un moyen de me défouler donc cela m'avait beaucoup arrangé. Je n'eus pas à aller le chercher puisqu'il vint de lui-même. Je le perçus aussitôt dans mon dos, à ses bruits de pas sur le sol en béton et à cette aura de colère froide qu'il dégageait.

Malgré ce à quoi je m'attendais, il ne m'attaqua pas. Je me retournai raidement après avoir lassé mes rangers.

— Télio, le saluai-je d'une voix glaciale, bercée d'indifférence.

— Aldo ! s'exclama-t-il avec un large sourire. Comment s'est passé ta soirée hier ? On commençait à être inquiet que tu ne sois pas de retour ! On avait peur qu'il ne te soit arrivé du mal...

Quel acteur ! Qui essayait-il de berner ? Ses amis ? Moi-même ? Nous savions tous qu'il me haïssait du plus profond de son être. Et c'était sûrement la raison pour laquelle il avait envoyé ces garçons hier. J'arborai une expression de désintérêt total et regardai volontairement mes ongles pour montrer à quel point tout cela m'importait bien peu.

— Et bien, vu que tu en parles, figure-toi que j'ai croisé des amis à toi, hier soir. Ils m'ont demandé de te passer le bonjour et de te prévenir que si tu avais besoin de leurs services, cela devrait attendre un peu car ils sont actuellement à l'hôpital.

Télio blêmit, son teint habituellement blafard devenant encore plus blanc que de raison. Un frisson parcourut notre auditoire tandis que des murmures s'élevaient. J'eus un sourire sans joie avant de me détourner de lui pour récupérer ma veste sur ma literie.

Le jeune garçon dû se reconstruire un masque de fausse bienveillance puisqu'il me balança :

— Je ne vois pas de quels amis tu parles, Aldo. Les seuls que j'ai dans cette ville sont ici. Accuserais-tu l'un d'entre nous de s'en être pris à toi ?

J'inspirai en espérant pouvoir calmer mon sang bouillonnant de colère. Il aurait mieux fait de se taire, car à présent, ma contrariété était de retour au grand galop. Ainsi était-il incapable d'assumer ses actes devant moi ? Que craignait-il ? Que je le dénonce ?

Non, il y avait autre chose, j'en étais persuadé. Sous son air magnanime, il pouvait s'avérer bien plus malin qu'on pouvait le penser. Télio voulait me pousser à bout pour que j'agisse, que je perde le contrôle et le frappe. Geste défendu au sein de la base. Il aurait eu pour témoins tous nos camarades qui se seraient fait une joie de me vendre à nos supérieurs.

J'aurais été exclu de l'école et me serais retrouvé à nouveau chez mes parents. Je ne pouvais pas nier que j'aimais cette nouvelle vie sur un point. Ma mère était encore vivante et sa présence guérissait un bon nombre de mes maux. Je voulais croire que j'étais en mesure de me contrôler, mais ces dernières semaines m'avaient démontré le contraire.

— Tu ne vois pas ? cinglai-je, acide. Pourtant quand j'ai tabassé l'un d'eux pour savoir qui les avait envoyés, c'est ton nom qui est ressorti. Tu ne trouves pas ça étrange que des mecs louches des quartiers te connaissent toi alors que tu ne connais soi-disant personne dans cette ville à part ceux de la base ?

Télio saisit l'ironie dans ma voix mais ne se décomposa pas. Au lieu de ça, il retourna la situation à son avantage, pour mieux me faire passer sans doute pour un fou.

— Qu'est-ce qui nous prouve que tu dis la vérité ? Tu pourrais très bien avoir inventé tout ça pour m'écarter de ton chemin ! Après tout, je ne suis qu'une gêne pour toi !

Je partis dans un grand éclat de rire froid qui fit sursauter tout le monde. Il n'était pas courant que je risse ainsi, à gorge déployée, et cela en perturba plus d'un d'assister à ce revirement inattendu. Mais aussi subitement que j'avais commencé, je m'arrêtai en le dévisageant, inflexible.

— T'écarter de mon chemin ? Une gêne ? commençai-je en reprenant ses mots. Tu as conscience que tu n'es rien pour moi ? Que tu es si mauvais en combat que tu ne parviens même pas à rester debout en face de moi plus d'une minute ? Je n'ai pas d'ambitions, pour ton information, mais si j'en avais, tu ne serais certainement pas une contrainte pour moi. Seulement une nuisance.

SIGMA ENERGY - T2 - Le Brasier de la RébellionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant