Adoption heureuse...

Une enfant sans famille ?

Mon histoire

Je suis une personne adoptée d'Haïti :

Je suis née du viol de ma mère, "restavèk" agée de 16 ans lors des faits.

À l'annonce de ce qui est arrivée, c'est ma mère qui a été mise dehors et renvoyé le soir même par la famille pour qui elle travaillait.

Je suis la première enfant de ma mère qui malgré la difficulté a tout fait pour prendre soin de moi allant même jusqu'à faire un recours en justice , faisant convoquer mon géniteur au tribunal pour faire reconnaître la paternité et obtenir grâce à cela une pension alimentaire.

Échec, la justice donne raison à mon géniteur. Ma mère perd le procès.

Quelques temps après, les courtiers-rabbateurs envoyés par les orphelinats pour récupérer des enfants viennent dans le village reculé où vit ma mère.

Ils lui promettent la prise en charge de sa fille par une maison d'accueil pour enfants.

Ils lui promettent que je recevrais une bonne éducation.

Ils lui promettent la possibilité de visites régulières au foyer d'accueil pour prendre de mes nouvelles.

Ils lui promettent mon retour à la maison à mes 18 ans .

Ma mère, 17 ans, analphète cru en leurs mots.

Mensonge. Des promesses non tenues.

En 2003, arrivée au "Foyer de la Nouvelle Vie", me voilà prise de ma famille et déportée en France et faite adoptée sans que ma mère en soit informée.

En France, je deviens autre. Mon nom de naissance n'est plus. Mon identité sociale disparaît. C.G n'est plus.

C'est là, que la fiction est devenue réalité.

En France, je suis devenue une enfant abandonnée.

Une enfant sans famille.
Une enfant non-désirée.
Une enfant sans amour maternel.
Une enfant qui avait besoin que des étrangers prennent la place de ses parents démissionnaires et non-aimants.

En France, je suis devenue autre.
En France, je suis une fiction.
-
Dans mon patrie natale, ma mère a appris ce qui était arrivée à sa visite au foyer. Dévastée, elle a presque mis fin à ses jours à cause de cela.

"J'ai failli mourir lorsque j'ai appris que tu n'étais pas à Port-au prince c'est Dieu qui m'a sauvé." M'a-t-elle avoué.

En 2020, 18 ans après les faits, j'ai enfin retrouvé ma maman, une femme détruite, durement marquée par la vie mais si aimante et bienveillante.

---

En raison de l'Adoption,
J'ai perdu tout mon monde : mes parents, mes frères et sœurs, ma famille élargie, mon héritage et mon histoire familiale, ma culture, ma langue, ma patrie natale, ma nationalité, mes antécédents médicaux, mon identité réelle.

En raison de l'Adoption,
J'ai perdu dix-neuf précieuses années au côté des miens et n'ai pu faire la connaissance de plusieurs membres de ma famille en raison de leur décès pré-réunion.

En raison de l'Adoption,
j'ai vécu des traumatismes multiples de séparations à effets neurobiologiques et psychologiques dévastateurs. J'ai développé des mécanismes de défenses ("coping mechanisms") qui nuisent mon quotidien, chaque domaine de ma vie.

En raison de l'Adoption,
J'ai grandi sans miroirs génétiques, sans miroirs raciaux, ce qui a totalement entravé ma construction identitaire et m'a poussé à haïr l'image reflétée de ma personne.Comment aimer ses traits quand vous êtes la seul à les avoir ?

Conséquences aujourd'hui : estime de soi très basse, zéro confiance en soi . Sensation de non-valeur.

En raison de l'Adoption,
J'ai été enlevée à ma terre natale. J'ai été déculturée. J'ai été blanchi et assimilée. J'ai été coupée des miens. J'ai été privé de mon identité biologique réelle, accordée de part ma naissance. J'ai été dépossédée de tout ce qui faisait ce que j'étais.

J'ai été détruite. J'ai été brisée.

En raison de l'Adoption, j'ai tout perdu. J'ai perdu bien plus que tout ce l'Adoption prétend apporter.

Les opportunités matérielles et l'amour de ma famille adoptive ne compensera jamais la destruction de ma famille naturelle. Jamais ça ne compensera les effets juridiques et psychologiques de l'adoption. Jamais ça n'effacera les traumatismes avec lesquelles je vis au quotidien. Jamais, ça n'effacera la souffrance et les pertes. Jamais ça n'effacera le vol de mon identité. Jamais ça n'effacera la vie non-vécue auprès des miens. Jamais ça n'effacera les années volées.

Jamais. Jamais.

Alors voyez, ceux qui affirment que "j'ai eu beaucoup de chance d'avoir été adoptée". "que l'adoption rend plus heureux", "que je devrais être reconnaissante de ne pas avoir été avorté",

Voyez que non, l'Adoption très souvent ne rend pas nos vies meilleures.

l'Adoption ne nous sauve pas.

Elle ne nous protège pas.

Bien au contraire.

L'Adoption démantèle et désagrège. Les familles.

L'Adoption détruit.
Les mères et les enfants.

L'Adoption sépare.
Les frères et sœurs. Les cousins. Les petits-enfants de leurs grands-parents. Les neveux et nièces de leurs oncles et tantes.

L'Adoption crée. Des traumatismes. Des déchirements. Des déracinements. Des souffrances. Des pertes immenses. Des vies de mensonges. Des meurtres. Des suicides.

L'Adoption rapporte.
Des milliards d'euros. Du profit grâce la commodification des enfants et leur ventes pour satisfaire des besoins émotionnels.

L'Adoption repose sur. L'asymétrie d'information. La coercition. Les rapports de pouvoir et de domination entre les pays et entre les classes sociales pour exister.

L'Adoption utilise.
L'exploitation reproductive des femmes les plus vulnérables et le désir d'enfants des personnes infertiles pour assurer la pérennité du profit.

L'Adoption capitalise sur les inégalités et oppressions systémiques tels que le patriarcat, le racisme, le classisme, le colonialisme... pour récupérer les enfants de ce qui les subissent au profit de ceux qui en bénéficient.

L'Adoption permet.
Les abus et la maltraitance des enfants adoptés. Les meurtres des enfants adoptés comme celui de la petite Jung- In très récemment en Corée du Sud. Les vols. Les mensonges, les omissions et la désinformation. L'absence de transparence à toutes les étapes du processus d'adoption.

L'Adoption permet.
L'existence de données alarmantes : 4X plus de suicides chez les personnes adoptées que les personnes non-adoptées.
3X plus de prises de drogues et de personnes adoptées qui sombrent dans l'alcoolisme que la moyenne générales.

L'Adoption permet.
L'existence d'une surreprésentation des personnes adoptées dans les services de psychiatrie et soins mentaux. L'existence de décès multiples de personnes adoptées par arrêt cardiaque en raison de la toxicomanie et l'alcoolisme.

Alors voyez, ceux qui affirment que je devrais montrer de la reconnaissance pour mon adoption, je ne peux pas. J'en suis incapable.

Comment le pourrais-je au vu de tout ce que l'Adoption m'a fait perdre ? Comment le pourrais après avoir vu tant de vies humaines détruites par l'Adoption pour le profit ?

Comment ? Comment le pourrais-je ? ...

Maintenant dites-moi, qu'attendons-nous pour agir ? Combien de familles et de vies doivent-elles encore être détruites avant que des mesures correctives significatives soient prises pour changer ce système défectueux ?