Fugo ne pouvait pas porter les boucles d'oreilles de Narancia si Narancia ne pouvait pas les voir. Pas après l'avoir abandonné. Il ne pouvait pas s'en débarrasser non plus, alors il les planqua au fond du tiroir de sa table de chevet et essaya de les oublier.
Mais bien sûr, il n'oubliait rien du tout, alors il essayait de se concentrer sur autre chose. Ça tombait bien, Passione croulait sous les soucis légaux, que Giorno avait pris la mauvaise habitude de régler par des pots-de-vins ou des assassinats. C'était plus économique en argent et en vies de résoudre ce genre de problèmes en exploitant les petits caractères des législations. Fugo pouvait se charger de ça. Mais malgré ce que tout le monde avait l'air de penser, il n'était pas un expert en droit. Ses études remontaient à loin et il n'avait même pas fait un semestre entier à l'université. Aussi, il s'aventura dans la bibliothèque en quête de documentation.
Il évitait cet endroit, comme il évitait toutes les pièces de la villa où il avait des chances de croiser Mista et son regard dégouté, mais aujourd'hui le tireur était en mission, Fugo avait décidé d'en profiter.
Il arpentait les rayons. C'était une bibliothèque très complète, les livres de droit avaient été choisis avec soin. Fugo se demanda à qui il devait ça. Est-ce que les livres étaient là quand Giorno avait acheté la villa ? Est-ce qu'il avait payé des experts pour lui fournir une collection solide ? Il n'imaginait pas Giorno ni quiconque ici sélectionner des livres de droits ou de sciences humaines aussi pointus.
Sa main s'arrêta en tremblant un peu sur un nom. Ignacio Barbabietola. Plusieurs livres étaient signés de lui, l'homme était un grand ponte après tout. Fugo les avait tous lu avec dévotion. Y repenser lui donnait envie de vomir. Mais c'était du passé, tout ça. C'était loin derrière lui, c'était arrivé à une autre personne. Un gosse stupide, pas un presqu'adulte lamentable qui avait abandonné et perdu tous ses amis. Il s'en foutait, de Barbabietola, maintenant. Il avait grandi, toute cette histoire ne lui faisait plus rien. Et pour se le prouver, il tira sur la tranche fine du seul livre qu'il n'avait pas lu. Barbabietola devait l'avoir publié récemment. C'était un petit essai édité par les presses universitaires. Fugo l'avait pris un peu par défi, un peu par masochisme, mais aussi parce que le titre l'interpellait. Un titre ronflant d'ouvrage de droit qui lui inspirait un malaise qu'il n'arrivait pas à comprendre.
Il tourna les pages. L'horreur le gagnait à mesure qu'il se rendait compte de ce qu'il se trouvait là-dedans. C'était son travail à lui. Le devoir qu'il avait passé tant de nuits blanches à faire, celui qui devait être si brillant qu'il le sauverait de Barbabietola, et pour lequel ce sale prof lui avait mis un 9/20. Ha. Il lui avait mis une sale note mais ça l'avait pourtant pas empêché de le faire publier sous son nom. Une édition universitaire de merde, mais putain il avait photocopié son devoir, et ensuite il lui avait collé un 9/20. Ou alors il lui avait mis un 9/20 et ensuite il était allé récupérer les morceaux déchirés qui avaient été saisis par la police. Et ce gros connard lui avait dit « Reviens diner chez moi, et on verra ce que je peux faire pour ta mauvaise note ». Fugo savait que son travail valait mieux qu'un 9/20, mais d'apprendre que Barbabietola l'avait trouvé bon au point de le faire publier... Après tout le mal qu'il lui avait fait, cette ordure lui avait aussi volé son travail. Incroyable. Fugo avait presque envie de rire tant c'était hallucinant. Il sentit une montée d'adrénaline. Ça faisait longtemps qu'il ne s'était pas senti en droit de se mettre en colère. C'était, quelque part, libérateur. Il fallait qu'il partage ça. Il se retourna, rouge de colère, les yeux étincelants, et il appela sans réfléchir :
- Abbach...
La dernière syllabe mourut sur ses lèvres. L'énergie que lui avait donné sa colère s'effondra d'un seul coup, le laissant encore plus démuni qu'avant.
VOUS LISEZ
Purple Haze sur le parvis de San Giorgio Maggiore
FanfictionSpoilers Part 5. Purple Haze déteste Fugo. S'il ne l'a pas encore réduit en pièces, c'est parce qu'il obéit aux personnes à qui son manieur à donné sa confiance. Elles sont rares, la confiance de Fugo est dure à gagner. Ou : Au fil des années et des...