Une musique jaillit tout doucement dans la tête de Marie. De la musique classique dans laquelle se répondaient harmonieusement différents instruments. Marie était incapable de déterminer l'identité du compositeur. Ça ressemblait à tout de ce qu'elle connaissait. Ça pouvait être Bach, Mozart, Beethoven, .... C'était très agréable à écouter. Ça n'obéissait à aucune structure musicale connue mais la mélodie était universelle, entêtante et entraînante. Elle se laissa porter par les notes en souriant. Son corps se relâchait. Elle se détendait. Sa respiration était régulière. Elle était apaisée. Un point lumineux perça l'obscurité et s'étendit largement sur tout son périmètre. L'image qui en résulta était floue puis nette. C'était un livre qui se feuilletait tout seul, rapidement. Dans un sens, puis dans un autre. Plusieurs fois. Un gros livre à couverture marron qui ressemblait à un grimoire. Les feuilles s'enlevèrent une à une et s'envolèrent. Il y avait plein de dessins. Marie en reconnut certains. « Le codex de Léonard de Vinci ! » se dit-elle. Puis les feuilles disparurent. L'image se flouta à nouveau mais redevint nette aussitôt. Marie était devant une étendue d'eau. Un lac autour duquel bougeaient dans un mouvement régulier de grands joncs cylindriques verts rayés de bandes blanches. C'était une belle journée d'été où les oiseaux volaient en grand nombre dans le ciel azuré. Une voix en sourdine. Une voix d'homme qui parlait en italien. Marie eut dû mal comprendre mais elle pensa aussitôt à « traduction ».
- Je n'aurai pas assez de toute une vie pour découvrir les mystères qui nous environne. Tout m'intéresse mais j'ai l'impression d'être en territoire inconnu alors que tout le monde considère qu'il est conquis. Le tort de l'homme est de croire que plus rien n'est à découvrir alors que tout est à faire. Tout est perfectible comme la nature peut l'être. C'est elle qui nous fournira les solutions. Il suffit de l'observer et de la respecter.
Marie était dans la tête de Léonard de Vinci. C'était incroyable ! Elle entendait sa voix, ses pensées, sa philosophie de vie. Il était assis au bord de l'eau en tailleur dans un costume du 16ème siècle avec une houppelande verte, une sorte de redingote, un collant orange et des bottes de cavalier. Elle voyait sa main dessiner sur un cahier, un oiseau avec le détail de sa plume et la décomposition d'un vol. Des notes étaient écrites en italien de gauche à droite.
- Est-ce que faire voler l'homme est contre-nature ? L'homme doit évoluer. De cette évolution, j'en suis persuadé, naîtra le progrès. Mais doit-il imiter la nature ? Mais si, tout cela est mis à disposition sous nos yeux c'est pour être exploité ! J'ai l'impression que le monde est aveugle. J'ai eu une idée cette nuit. Je me suis endormi avec une problématique et ce matin, j'avais la solution. C'est intéressant le sommeil, il faudrait que je l'étudie d'un peu plus près.
Une mésange se posa à ses pieds, sautilla, le regarda puis s'envola.
- Quelle espèce fascinante ! Si l'homme pouvait voler, quelles sensations aurait-il ? Il irait à la conquête du ciel pour faire peur à ses ennemis.
Dans le ciel, un homme ailé apparut. Un homme portant une aile volante qui tirait sur les cordes pour soulever les ailes. Léonard acquiesça devant la vision.
- Voilà, c'est cela ! Faire comme les oiseaux pour s'envoler ; ce serait si simple finalement. Mais non, ce n'est pas aussi simple, la nature est exigeante. Mon prototype n'est pas encore assez au point ! Et pourtant j'y croyais à ce premier coup d'essai. Une structure et une voilure comme celles d'une chauve-souris, ça ne pouvait que marcher. Les premiers essais furent catastrophiques, c'était trop lourd. Un de mes valets s'est cassé une jambe.
Sa main dessina une aile volante composé de deux ailes et un planeur avec deux cordes.
- Il y a un problème, il faut que je le résolve. Les petits oiseaux battent des ailes à vitesse régulière. C'est ce qui, je pense, les maintient en l'air avec une forme résistance qui s'opère sur les plumes. C'est très ingénieux, cette histoire de plume ... Mais en tirant sur les deux cordes simultanément, l'homme ne décolle pas. Je suis intimement persuadé que l'homme peut voler comme un oiseau. Je l'ai rêvé une nuit. Et j'ai souvent rêvé mes idées ! Mais, il faut se faire une raison, l'homme n'a pas la capacité physique de battre ses bras comme des ailes car il n'a pas la structure organique. Comment faire ? Il me faut imaginer un mécanisme qui reproduise l'anatomie d'un oiseau pour suppléer ce manque. Et en même temps, je me demande bien pourquoi les oies battent moins des ailes et parviennent quand même à voler. Il y aencore bien des choses qui m'échappent. En analysant la structure de cette plume, je vais bien finir par comprendre.
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Une nuit à rêver
RomansaCela commence par une rencontre entre Marie et Pierre. Pierre est psychologue. Marie, une nouvelle patiente. Marie lui annonce qu'elle est enceinte de lui. De cette rencontre va naître un fil narratif qui emmènera le lecteur dans une histoire d'amou...