Les deux princes Lancélion jouaient dans la grande salle où l'on servait les banquets. C'était une longue pièce qui s'étendait à n'en plus finir, entourée de colonnes dorées et cloisonnées par de grands murs gravés. Le sol était très bien entretenu, fait de marbre.
Keon galopait, sa chevelure blond platine lui fouettait les côtes au même rythme que sa course effrénée. Il avait bien grandi, en dix ans. Ses yeux verts, en amande, rappelaient à s'y méprendre sa mère tandis que son nez brisé et plus imposant semblait directement pris de son père. Il bondissait comme un fauve autour de son jeune frère adoptif qui courait aussi, mais d'un pas plus lourd, transpirant. Sa sueur coulait sur ses cheveux dont le blanc reflétait les couleurs environnantes. Attachés en une queue de cheval, ils étaient aussi longs sinon plus que ceux de Keon. Son visage exprimait toute la réticence qu'il ressentait vis-à-vis du jeu.
Pourtant l'autre ne sembla pas le remarquer car il continua de courir autour de lui, sauta de droite à gauche, se laissa parfois tomber au sol et se releva d'un bond. Il n'avait pas besoin d'en faire autant ; son frère était déjà à bout de force. Même en se contentant de marcher, il aurait pu le distancer.
La cloche qui sonnait le repas retentit alors, résonnant dans tout le palais, annonçant aux deux enfants qu'ils devraient cesser leur jeu pour aller se nourrir. Le son cristallin qui se répéta dans un écho ininterrompu sembla l'annonce d'une libération pour le jeune Iris qui s'arrêta presque immédiatement de courir. Il se courba légèrement, reprenant son souffle, la gorge irritée par les respirations rapides. Keon s'arrêta peu après, la mine boudeuse. Cependant, cela ne dura qu'un instant, il ne connaissait que deux plaisirs : manger et jouer. Il saisit brusquement son frère par le bras, les joues relevées dans un magnifique sourire, puis il se remit à courir à l'intérieur de la salle, traînant Iris derrière lui.
Les deux frères dévalèrent les escaliers, coururent dans différents couloirs. Iris sentait peu à peu le désespoir l'envahir. Il avait l'habitude que son « jumeau » soit hyperactif, trop énergique pour lui qui était de nature si calme. D'ordinaire, cela ne le dérangeait pas trop, cependant lorsqu'il était forcé de courir dans tous les couloirs en ayant des courbatures douloureuses aux jambes et aux hanches cela l'irritait légèrement. Mais comme il ne se permettait de jouer qu'avec lui, il lui était dur de s'en plaindre, n'ayant aucun comparatif.La grande porte menant à leur salle à manger grinça. Keon bondit dans la salle, lâchant son frère, et vint gauchement s'asseoir à la table.
C'était une longue table dorée qui pouvait accueillir au moins une vingtaine de personnes. Cependant, seule la famille royale y était et elle semblait ridiculement petite. Iris vint s'asseoir à son tour en soupirant, las. Sa mère lui souriait avec douceur, comme toujours et son père lui affichait continuellement un regard dur.
Le repas se passa sans paroles, on fit passer d'abord une salade de pommes, puis un faisan juteux et enfin, pour le dessert, une superbe tarte au citron. Seuls les bruits de mastications de Keon perçaient le silence, ne faisant qu'agacer encore plus qu'il ne l'était déjà l'elfe noir.
Finalement, son frère prit la parole, après avoir avalé un gros morceau de tarte dont le jus citronné lui dégoulinait sur les doigts.
« On a joué à la bataille des elfes noirs d'Ouroboros père ! Iris jouait le rôle d'Oris le roi de ces gredins !
- La guerre n'a rien d'un jeu, Keon... Répondit Rodric.-Oui père... Mais Iris est très doué pour jouer le méchant vous savez ? Moi je suis toujours le héros...
-Tu apprendras avec le temps que dans une guerre il n'y a pas de méchant. » Le roi soupira. « Ce serait plus simple cela dit, je n'aurais pas à me fatiguer à tenter de négocier avec les nains de Kells.
- Leur révolte est compréhensible mon seigneur. Ils n'avaient pas le même fonctionnement avant d'être annexés.
VOUS LISEZ
Sang d'Elfe
FantasyFils du roi Rodric, Iris Lancélion est le second jeune prince du Royaume de Therberos. Au fond de lui, quelque chose de différent germe, quelque chose qui le pousse à emprunter des chemins peu orthodoxe et semés d'embûches.