Epilogue, par Cécile Duquenne

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 Epilogue, par Cécile Duquenne

L’inspecteur redressa la tête, les yeux embués par tant de lecture. L’horloge indiquait huit heures du matin. Le labo était désert, tous les techniciens étaient rentrés dormir après leur nuit de boulot. Varosky soupira. Le Walrus Institute, une vaste fumisterie, en fait. Les monstres, ça n’existait pas.

L’idée fit son chemin dans son esprit délavé par les lignes crayonnées, mais une sensation étrange flottait entre chaque synapse. Un institut intemporel accueillant une maison d’édition qui gardait prisonniers ses auteurs, mais de leur plein gré. Qui les torturait, mais de leur plein gré. Un institut qui abritait des orangs-outans explosifs, des muses en chair et os, et qui prenait ses écrivains pour des soldats en les envoyant sur des missions mortelles, contre des monstres surnaturels. Ça ne pouvait pas exister.

Natacha Goddamn entra brusquement dans le labo. Varosky sursauta.

— Putain, Natacha. Ne faites plus jamais ça.

— Du courrier pour vous.

Elle lui tendit une enveloppe kraft. À l’intérieur, une lettre :

À l’attention de l’Inspecteur Varosky,

La faille va bientôt se refermer, je n’ai pas le temps de tout expliquer, donc je vais faire court : je m’appelle Cécile Duquenne et je suis une rescapée du Walrus Institute. J’ai échappé à l’incendie, aux monstres, je n’ai pas écrit une ligne pour le compte de ces expériences – sauf la présente lettre.
Jusque-là, les activités du W. I. ne visaient qu’une poignée d’auteurs, des fous furieux à l’imagination débridée, parfaitement à leur place dans cet asile. D’une certaine façon, en les occupant, en les forçant à écrire, le W. I. avait jusque-là tenu tout ce petit monde en laisse et protégé le monde, le vrai, de la folie de ses hôtes.
Mais tout cela est sur le point de changer… d’une certaine manière, cela a déjà changé.
Je me trouve actuellement en 1890, dans un bar londonien bâti sur les ruines de celui-là même où le célèbre Ashbless composa ses
 Douze heures de la nuit.
Quelqu’un, au Walrus Institute, a cru bon de jouer avec les mécanismes du temps.
Quelqu’un a cru bon d’enfermer ses auteurs dans une boucle temporelle, mettant le monde définitivement à l’abri de leurs exactions.
Mais quelqu’un a salement merdé, parce que nous sommes plusieurs auteurs à avoir été projetés dans le passé et, sincèrement, avec l’imagination débridée de certains, je doute que le présent – votre présent – y survive.

Vous trouverez la preuve de ce que j’avance dans le pli ci-joint. Ce sont deux photographies. À cent ans d’usure près, la première est l’exacte réplique d’un portrait de votre grand-père, que vous conservez dans un carton (attention, les photos ne doivent pas se toucher, vous provoqueriez un paradoxe temporel complètement imprévisible). C’est moi qui ai pris le cliché. Sur la seconde photographie, eh bien… il y a vous, et moi, dans votre futur proche. Ou ce qui pourrait l’être. On se connaît. Ou l’on se connaîtra. Tout dépend de la date depuis laquelle on s’entreregarde.

Car le « moi » de votre futur est aussi le « moi » envoyé dans notre passé. Je suis coincée dans une boucle temporelle d’une sacrée longueur et, croyez-moi, j’ai hâte d’en sortir pour reprendre ma vie en main.

Mon avenir et votre présent dépendent de vous. Et vous seul.

Si vous voulez en apprendre plus, percer enfin le mystère du Walrus Institute, rendez-vous au pub « À contretemps », demain soir  à 20h, et demandez au serveur ce qu’il a de meilleur comme bière.

Puis laissez le destin suivre son cours.

Vous me reconnaîtrez, j’en suis sûre.

 

Cécile Duquenne,

31 octobre 1890.

L’inspecteur écarquilla les yeux.

— Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?

Natacha lui répondit en lui tendant un pulvérisateur orange.

— À vous de voir. J’ai ça aussi pour vous.

— Une bombe anti-moustique ?

— Vous avez laissé votre fenêtre ouverte.

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 09, 2015 ⏰

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