Chapitre 2.1 - Niall

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Le vibreur de mon téléphone me provoque un sursaut. Mes yeux quittent la photo du shooting de ce matin que je retouche. Je soupire en voyant le nom qui s'affiche sur mon écran : Skye, encore...

— Tu viens bien demain, hein ? s'inquiète mon amie quand je décroche. Tu ne me fais pas le coup d'avoir un truc urgent de dernière minute !

Bonjour à toi aussi, ma rouquine adorée. Oui, moi ça peut aller, comme d'hab.

— Je vais pas te faire faux bond. Pas la peine de m'appeler tous les jours, voire toutes les heures, pour t'en assurer. Je suis ton témoin, non ? Je passerais pour quoi si je me pointais pas à la soirée d'annonce de tes fiançailles ?

— Pour ce que tu es, Niall, un ours qui hiberne.

— C'est monsieur l'ours...

— Qu'est-ce que tu marmonnes ?

— Rien. Je serai là, promis.

— Je sais que ça te coûte de revenir, mais je suis sûre que tout va bien se passer.

— Si tu l'dis...

— Je le dis. Tu me manques tellement, en plus.

— Et tu me manques tout autant, Skye. C'est ton futur mari qui va être heureux de constater que je me suis pas défilé ! raillé-je, un pincement au cœur.

— Oh, arrête, s'il te plaît. Ça aussi, ça va aller. Vous êtes des adultes, pas vrai ?

J'essaie de masquer mon rire nerveux en portant mon attention sur les polaroïds accrochés au mur devant moi. Les yeux bleus de Skye sur un des clichés apaisent mon palpitant qui s'emballe à l'idée de remettre les pieds dans la capitale.

— Je dois te laisser. Si tu veux que je vienne, je dois absolument terminer les livrables pour mon client.

— OK, à demain. Je t'aime.

— Je t'aime.

Mon expiration se prolonge. Londres. Ce week-end. Revoir mes anciens amis. Affronter le regard craintif de certains. Aïdan... Le temps efface tout, non ? Peut-être qu'ils ne m'éviteront pas.

Respirer le même air que moi ne leur fera rien, c'est pas comme si c'était contagieux.

Le visage de Ciara se superpose à mes idées noires. Je pense bien trop à elle depuis ce dépannage inattendu, bien que je n'en aie pas parlé à Skye. Pour quoi faire ? Je ne la reverrai pas. Et même si c'était le cas, que pourrait-il se passer ? Elle ne voudra jamais être avec moi, et je la comprendrai. Alors, pourquoi elle me hante ? D'autres femmes croisent mon chemin depuis que je suis revenu vivre à Fort William, elles ne m'obnubilent pas. Ciara, si. Impossible de me l'enlever de la tête. De toute façon, avec juste son prénom et son métier, il y a très peu de chance que je la trouve dans une ville aussi grande.

En même temps, tu n'as pas à la chercher. À quoi bon nourrir de faux espoir ?

Et si je la recroisais par hasard ce week-end ? Putain de week-end. Dire que leur soirée à la con, qu'ils voulaient le soir de la Saint-Valentin, tombe pendant la semaine de la Fashion Week. Skye ne pouvait pas choisir un autre moment ? Je me revois, trois ans auparavant, envoyé par un sponsor automobile pour prendre des photos du défilé. Mon estomac se tord quand je repense à la façon dont tout ça a fini.

Se canaliser sur le travail, voilà ce qu'il me faut. Tant que je ne suis pas dérangé par les appels à répétition de Skye. Malheureusement, cette adorable emmerdeuse ne s'arrête que lorsque je décroche.

Dans la pièce transformée en studio, je me reconcentre sur le traitement numérique des photos prises pour mon client. C'est reparti pour rendre attirant l'appartement témoin de cet immeuble dont la construction s'achève, avec cette mise en scène de la petite famille parfaite qui fait semblant d'y vivre : le gamin qui joue dans sa chambre, le père sur un ordinateur dans le bureau, la mère en train de préparer le repas ; le père et le fils qui lisent, assis sur le canapé, la mère qui feuillette un magazine dans son lit, en nuisette.

ღ ℬ𝓸𝓷𝓷𝓲𝒆 ℋ𝓲𝓰𝓱𝓵𝓪𝓷𝓭𝓼 ღOù les histoires vivent. Découvrez maintenant