Mon grand-père était passionné par la Seconde Guerre mondiale, une véritable encyclopédie. Les dates, les généraux, les armes, les véhicules, les batailles célèbres... tout, il connaissait tout. Pourtant, aucun membre de notre famille n'y a pris part, mais il s'est tellement documenté et a regardé tellement de films qu'il nous racontait ces événements comme s'il les avait vécus. Pour lui il était important que tous se souviennent de ce drame de l'humanité afin que les générations futures en tirent les leçons. Je suis content qu'il n'ait pas survécu assez longtemps pour voir à quel point personne n'a retenu quoi que ce soit. Il est parti en paix, cette même paix que le monde piétina dix ans plus tard. Il me montrait beaucoup de documentaires aux images d'archives recolorisées qui paraissaient tellement contemporaines qu'elles donnaient l'illusion d'avoir été tournées seulement vingt ou trente ans plus tôt. On y voyait souvent l'armée nazie occupant les villes européennes, défilant dans les rues et réquisitionnant les bâtiments en chassant leurs habitants. Il y avait beaucoup d'images de colonnes de civils emportant le strict nécessaire, des personnes âgées, frêles, des femmes avec leurs enfants, effrayés, et des pères de famille angoissés à l'idée de ne pas pouvoir protéger leurs proches. Toutes ces images me reviennent, car c'est exactement ce que je suis en train de vivre aujourd'hui.
Le groupe de Flegel nous a rejoints une fois la fin des affrontements annoncée. Déployée dans tout le quartier, notre unité presse les familles de faire leurs bagages, les rassemble et les escorte à l'extérieur de Walldorf. En revanche, les survivants qui se sont opposés à nous sont parqués dans une maison reconvertie en prison de fortune. Sous bonne garde, ils attendent que nous les emmenions à New Town. Quand je suis passé tout à l'heure, une petite foule implorait leur libération devant la bâtisse. Tenus à distance jusqu'à présent, viendra le moment où il faudra faire bouger ces gens, par la force si nécessaire.
Ils étaient effectivement autour de deux cents, les soi-disant pillards, mais peu étaient en état de se battre. Dans les premières minutes, nous avons surtout affronté des désespérés qui se sont défendus avec ce qu'ils ont trouvé. Quant aux mercenaires de Horst, ils ont compté six tireurs repliés dans les maisons. Aucun n'a été épargné. Ces brutes auraient pu prendre tout le quartier à eux seuls, sans soucis. Ils n'ont d'ailleurs aucune perte à déplorer, seulement deux blessés légers, contrairement à nous qui en déplorons une quinzaine et devons rapidement rapatrier les corps de nos sept morts afin qu'ils puissent rendre à temps un dernier service à la communauté... Mais ce n'est rien face au massacre auquel nous avons participé. Autour de trente morts, dont trois blessés graves sommairement achevés sur place. Il y a également une douzaine de prisonniers, de pauvres gens qui ont lâché leurs armes juste à temps. Je n'ai vu aucun pillard.
Aujourd'hui, j'ai donc l'impression d'être dans le mauvais camp, de celui qui ferait honte à mon grand-père.
Placés à un croisement, Tony, Felix et moi nous assurons que personne ne cherche à fuir ou à faire quelque chose de stupide.
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Chroniques des Terres enclavées - Émergence partie 1
Bilim KurguAlors que la Troisième Guerre mondiale fait rage, le monde bascule dans l'escalade nucléaire le 21 septembre 2037, « The Enola Day ». Le conflit dure quelques mois, suffisamment longtemps pour défigurer la planète. En Europe, un immense territoire s...