Une nuit infinie !

Valéry Giscard d'Estaing est décédé...

Il est 23h10 quand Bruno lit et relit cette phrase. On est mercredi soir. Il est dans son lit, torse nu malgré le froid extérieur. Il se sent mal. La droite vient de perdre un grand homme...

Il se remémore avec émotion sa rencontre avec celui qu'on appelle plus communément VGE. Il ressent immédiatement le besoin de sortir... Il enfile son jogging, son tee-shirt fluo et ses baskets. Il passe par un porte dérobée et le voilà à l'air libre...

Les images de son début de carrière défilent dans sa tête... De Villepin, Sarkozy, Fillon, Lagarde, Baroin... et lui au milieu de tout ça. Il s'arrête essoufflé sur le pont Alexandre III. Ses pieds lui font mal, son cœur s'emballe. Il s'appuie sur la rambarde un moment et fixe la Seine dans l'obscurité. Il avait fallut que ça tombe sur lui, VGE. Un grand homme respecté de tous, à gauche comme à droite. L'Europe entière pleure un de ses fondateurs.

Une voix vient le sortir de ses pensées, il sursauta.

(?) - Un petit footing nocturne monsieur le ministre ? Pardon, je ne voulait pas vous faire peur.

(B) - Ne vous inquiétez pas. Il faut bien que je m'aère un peu.
Que faites-vous dehors à cette heure ? On est sous couvre feu mademoiselle.

(?) - Oh, je travaille monsieur le Ministre. J'aime beaucoup sortir le soir, déambuler dans Paris, me perdre, découvrir des endroits et rentrer chez moi au petit matin.

(B) - Vous faites ça toutes les nuits ? Je peux vous demander votre prénom ?

(A) - Je m'appelle Anna monsieur le Ministre. Ah non, une à deux nuits par mois, c'est suffisant. J'ai besoin de 8 heures de sommeil pour être en forme, je fatigue facilement sinon.

(B) - Très joli prénom mais je vous en supplie, appelez-moi Bruno. Et alors ce soir vous travaillez ?

(A) - Pas exactement, j'avais besoin de souffler un peu...

Le regard d'Anna se perdit dans l'eau de la Seine. Elle était déstabilisée par les yeux bleus du ministre de l'économie.

(B) - C'est exactement la même raison qui m'emmène jusqu'ici.

(A) - Le décès de Président Giscard ?

(B) - Tout à fait... Il m'a beaucoup apporté, il a été un guide dans ma carrière politique. Il m'a fait grandir. En sortant de l'ENA, j'étais arrogant. Il m'a remit les pieds sur terre. J'ai l'impression d'avoir perdu mon père une seconde fois. Je peux vous demander ce qui vous maintient loin de votre lit ?

(A) - Oh, je, rien de comparable. Je me suis disputée avec ma sœur qui est aussi mon éditrice. C'est un peu compliqué parfois de travailler en famille.

(B) - Donc, vous êtes écrivain ?

(A) - Oui, on peut dire ça, ce n'est pas tout à fait comme ça que je me définis mais ce n'est pas trop mal.

(B) - Vous vous définissez comment Anna ?

(A) - Oh je, c'est un peu compliqué mais disons qu'artiste conviendrait mieux.

(B) - Vous écrivez donc mais vous faites quoi de plus ?

(A) - Qu'est-ce qui vous fait penser que je fais plus que ça ?

(B) - Vous n'auriez pas dit artiste sinon. Vous en seriez restée à écrivain.

(A) - Vous êtes perspicace monsieur le Ministre ! En effet, je suis plasticienne.

(B) - En même temps ? Vous trouvez le temps de faire les deux ?

(A) - Le temps n'est pas un problème... La nuit est faite pour ça. J'écris des poèmes, pas de roman, ce qui me laisse beaucoup plus de temps pour jouer avec les couleurs.