Chapitre 28.2 - La trahison est l'arme des lâches et minables

65 14 1
                                    

Aux côtés des trois survivants, deux représentants de la population locale, une femme et un homme, tous les deux la cinquantaine bien tassée, s'assurent que leur communauté ne sera pas laissée pour compte. Seulement vingt-quatre heures qu'ils ont rejoint l'Union et voilà qu'ils se retrouvent déjà en première ligne dans ce nouveau conflit, et le moins que l'on puisse dire c'est que ça les angoisse au plus haut point. Ils craignent surtout que nous décidions d'abandonner les lieux pour nous retrancher plus au nord, à Sandhausen, et cette crainte est parfaitement fondée.

Face à eux, de l'autre côté de la table, il y a les chefs d'escouade des deux groupes de fantassins, et Tod, fraîchement nommé comme remplaçant d'Alb par le caporal après avoir écouté mes recommandations. Tous les trois expriment leurs réticences à défendre la ville.

Cette réunion improvisée en plein milieu d'après-midi est à l'initiative du caporal Flegel. Il souhaitait faire un point sur la situation et confronter les différentes opinions afin de lui permettre de prendre les meilleures décisions. Le problème, c'est que des décisions il n'en prend jamais. Il reste là, passif, à regarder le reste de l'assemblée débattre sur ce qu'il faut ou ne faut pas faire. Je ne sais même pas s'il écoute vraiment.

— Encore une fois, nous vous sommes infiniment reconnaissants d'être venus nous aider, sincèrement. Seuls, nous n'aurions jamais pu nous débarrasser des pillards. Mais vous ne pouvez pas nous laisser maintenant, pas au pire moment.

Des pillards ! Ils osent encore les appeler comme ça.

— Soyez rassurés, vous viendriez avec nous à Sandhausen.

— Déplacer deux-mille personnes ? Dont des enfants, des vieillards et des malades ? Vous n'y pensez pas. Ils n'ont pas pu partir pendant la guerre, qu'est-ce qui vous fait penser qu'ils le pourront aujourd'hui ?

— La peur de mourir peut-être ? intervient l'un des deux chefs des fantassins.

Sa pique cinglante fait mouche. Mais la femme parvient à se contenir et se prépare à contre-attaquer.

— C'est vous qui parlez de partir, alors qui a peur, monsieur ?

— Vous ne pouvez pas vous démerder seuls ? Vous avez forcément besoin que l'on vous protège ?

Le second représentant de la communauté tente d'intervenir.

— Nous sommes dans le même camp dorénavant, nous faisons nous aussi partie de l'Union. Et à ce titre nous méritons d'être défendus tout comme le serait n'importe quelle autre communauté.

— Les autres l'ont mérité. C'est nous qui sommes venus vous libérer de ces pillards.

— Et qui vous nourrit et vous loge depuis votre arrivée ? À la minute où nous avons rejoint l'Union nous avons collaboré, et nous nous sommes montrés généreux que je sache.

Le caporal reste en retrait. Il laisse les esprits s'échauffer et écoute les arguments de chacun.

— Et de quoi avez-vous peur ? Vous avez réussi à déloger près de deux-cents pillards bien retranchés, vous arriverez bien à repousser les troupes de la République avec quelques renforts.

— Vous vous moquez de nous, ils étaient...

— D'où venaient ces pillards dont vous parlez depuis tout à l'heure ?

L'intervention de Kurt surprend toute l'assemblée, suivie par une brève hésitation avant que la femme ne décide de lui répondre.

— Ils venaient du sud a priori.

— Du sud ? Vous pouvez me les décrire ?

— Vous les décrire ?

— Quelles étaient leurs activités ? Depuis quand étaient-ils là ?

Chroniques des Terres enclavées - Émergence partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant