Debout face à la fenêtre fermée du salon, l'image qu'elle lui renvoie pourrait rendre jaloux un mort.
Ses cheveux toujours trop long tombent presque dans ses yeux, et les cernes pâles qui marquent son visage lui donnent des allures de macchabée.
Il pourrait même se faire peur à lui même quand il se penche en avant pour voir d'un peu plus près les reflets ternes de ses iris.Comme une poupée de chiffon, ses genoux tremblent quand il fait un pas vers l'arrière en relevant le visage vers le plafond pour y chercher la force d'ouvrir la bouche.
La respiration de Katsuki dans le téléphone vibre à ses oreilles et, à moitié habillé, il se décale vers le canapé pour s'y assoir et croiser ses jambes en tailleur.Le téléphone dans une main, son courrier dans l'autre, il jette un énième regard sur la lettre qu'il a reçu il y a trois jours et qui a terminé de l'achever.
Il sait qu'il doit dire quelque chose, il n'a pas appelé pour rester muet éternellement mais les mots sont égarés dans sa gorge.
Plusieurs fois, il avale sa salive et ouvre la bouche sans pour autant parvenir à faire sortir sa voix et, dans une ultime tentative, il ferme les yeux pour se concentrer et prend une longue inspiration discrète.- Salut Katsuki.
Sa propre voix résonne comme un murmure essoufflé, la gorge brûlée par un excès de cigarettes et érodée par le flot de ses larmes.
Il sait combien il a l'air pitoyable, pourtant il ne peut juste pas faire mieux que ça.A travers le salon trop silencieux, le ronronnement du frigidaire et le cliquetis désagréable du robinet mal refermé cogne son crâne, il lui semble les avoir entendu, subit, toute la semaine.
C'est un peu à ça que ressemble sa vie en ce moment, vide et pénible, embrouillée par le martellement dans sa poitrine et soupoudrée de sanglots douloureux.
Ses yeux sont encore bordés de quelques gouttes d'eau perchées au bord de ses paupières, fidèles compagnes de sa décadence, elles ne l'ont pas lâchés une seconde.- Salut.
Sa voix, rocailleuse comme celle d'un homme exténué, le transperce, glisse à ses tympans et fait bourdonner sa tête.
L'entendre lui fait autant de mal que de bien et, dans sa main, il froisse le courrier déjà abîmé de l'avoir trop manipulé en étirant son dos pour l'enfoncer dans la mousse du canapé.Il ne sait pas par où commencer, comment former ses phrases ni même trouver ses mots.
Pourtant, il veut lui parler, c'est tout ce qu'il lui reste encore et, pour aussi longtemps qu'il le peut encore, il a besoin d'entendre sa voix.- Est-ce que tu vas bien ?
Il se mord la lèvre sur la stupidité de sa question, personne ne va bien en ce moment et, à moins qu'il ait manqué un épisode, Katsuki ne devrait pas faire exception.
Pourtant, il ne se corrige pas et attend simplement qu'il lui réponde.- C'est une question piège ?
Mécaniquement, il secoue la tête en tirant un sourire peu convaincant à son visage et soupire en levant la tête jusqu'à plaquer l'arrière de son crâne sur le sommet du dossier.
- Je suis désolé. J'aurai dû t'appeler plus tôt.
Il n'a pas besoin que Katsuki lui réponde, d'ailleurs il ne le fait pas, pour savoir que son silence l'a blessé et, s'il lui semble pouvoir le justifier de mille et une façons, aucune d'entre elles ne lui parait réellement solide.
Il n'a aucune véritable excuse pour l'avoir laissé dans l'ignorance, si ce n'est son propre égoïsme quand il a oublié qu'il n'est pas seul dans ce couple et, à fortiori, qu'il n'est pas seul à souffrir de la situation.Alors il ne lui dira pas, quand bien même c'est la vérité, qu'il s'est senti écrasé par le poids de la réalité au point de ne pas trouver la force de le rappeler, qu'il a eu tant de mal à se remettre debout qu'il en a craint de retomber juste en entendant sa voix, il ne lui dira pas non plus combien il se sentait misérable et lamentable face à son miroir qui ne lui renvoyait plus que les cernes jaunes de ses yeux.
Il ne va pas lui dire ça, parce que, aussi violente soit la réalité et aussi puissants soient la peur et le sentiment d'échec, rien ne pardonne son silence, rien n'excuse jamais d'avoir abandonné quelqu'un à ses doutes.
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Être nous [ KATSUDEKU ]
Hayran KurguKatsuki Bakugo, 25 ans, plaquiste de son état, séparé. Izuku Midoriya, 25 ans, serveur dans un café, divorcé, un enfant. Deux hommes qui ne se connaissent pas mais que la force des choses a fini par réunir. Ils étaient pourtant sûrs d'être hétéro...