Chapitre 36

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Une semaine s'écoula.

Une transition s'était opérée chez Orion. Gaïa avait pu le constater. Se libérer de son poids avait eu pour lui le goût de la délivrance. Dans son regard était revenue sa lumière, son aura avait commencé à reprendre ses couleurs d'antan. Son chagrin ne l'avait pas quitté, mais il se l'était approprié avec résilience, et ses épaules étaient maintenant plus fortes pour le soutenir. Il lui faudrait du temps. D'autant plus qu'il espérait toujours que son attente prenne fin. Gaïa le soutenait comme elle le pouvait, elle ne voulait plus le brusquer. Elle ne savait pas s'il était bon qu'il espère. Pour le moment rien ne servait de batailler. Si Orion venait à faire le deuil de ses espoirs, elle serait là pour lui.

Orion était reparti dans la matinée au laboratoire de son ami. Elle avait tenté de l'en dissuader pour qu'il reste se reposer à la maison, maintenant qu'elle savait qu'il n'avait pas quitté son laboratoire de thèse sur un coup de tête et qu'il était censé prendre des vacances. Sa petite tête de mule n'avait rien voulu entendre, et il avait préféré les tubes à essai à elle. Gaïa se sentait vaguement vexée, mais avait fini par se dire qu'il savait ce qui était mieux pour lui. De plus, elle s'était dit que cela lui donnerait l'occasion de travailler sans être distraite. C'était si mal se connaitre pourtant. Avec le temps, la blonde avait acquis la folle capacité de se distraire d'un rien. Quand ses idées commençaient à diverger sur des questionnements incongrus, concernant par exemple le temps de croissance des brocolis où la vie sexuelle des pingouins, il lui était presque impossible de se concentrer de nouveau. Elle avait fini par apprendre que dans ces cas-là, rien ne servait qu'elle s'acharne, qu'il fallait qu'elle fasse autre chose pour pouvoir s'y remettre plus tard.

C'est ainsi que le matin même, elle avait passé près d'une heure à rechercher sur internet le nom de toutes les races d'escargots trouvés en Amérique latine, avant de jeter l'éponge. Dans la foulée elle reçut un message d'Orion qui lui annonçait qu'il passerait la nuit dehors. Elle était bien heureuse qu'il expérience à nouveau une vie sociale, mais l'idée de rester seule la désœuvra et vint alourdir ses désirs de procrastination. Après une demi-heure à tourner en rond, elle s'était décidée à prendre la voiture pour aller faire quelques courses au village.

Elle rejoint finalement son véhicule une heure plus tard, avec un sac rempli de choses dont elle n'avait pas vraiment l'utilité. Pourtant, la cuillère à miel en bois lui avait semblé une bonne idée sur le moment. C'était avant qu'elle ne se rappelle que ni Orion ni elle n'en consommait. Alors qu'elle s'apprêtait à démarrer, son téléphone sonna. Gaïa souffla en voyant le nom s'afficher sur l'écran. Encore son éditeur qui la harcelait. Elle hésita un instant avant de balancer son téléphone sur le siège passager, enfournant dans sa bouche un énième cookie. Elle démarra et remonta le village, regardant distraitement les maisons alentour.

— Tiens, moi qui pensais que ce panneau était inutile, marmonna-t-elle pour elle-même.

La mairie avait en effet décidé d'installer un plan au centre du village. Gaïa en avait ri, se demandant bien qui pouvait venir faire du tourisme dans un endroit aussi reculé. Pourtant aujourd'hui, un jeune homme s'y était arrêté. Gaïa sourit. Finalement peut-être que le bar du coin deviendrait le nouvel endroit à la mode après tout. Elle regarda le jeune homme, le détaillant distraitement avant de se focaliser à nouveau sur la route. Son cerveau lui continua à analyser la situation, et quand il lui fit un rapport des traitements effectués, son cœur rata un battement sous le coup de la surprise. Elle pila et engagea une marche arrière à toute vitesse. En voyant que la voiture derrière elle n'était pas de son avis, elle jura et se gara précipitamment sur le côté. À peine cela fait, elle releva le frein à main et quitta le véhicule avant d'aller dévaler la pente à toute vitesse. Son rythme cardiaque commençait à exploser, mais elle continua même si cela devait la mener à la syncope. Là, en bas, elle vit le jeune homme qui commençait à partir dans la direction opposée à la sienne. Instinctivement elle savait de qui il s'agissait. Elle avait su le reconnaitre sans jamais l'avoir rencontré. Usant de tout son souffle elle l'appela, sans que son cortex préfrontal n'est pu l'en dissuader:

Prière à une étoileOù les histoires vivent. Découvrez maintenant