Chapitre 29.2 - Sous le joug du soupçon nous tenant pour coupable

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Les parasites propres aux ondes courtes résonnent à nouveau dans la pièce, augmentant davantage la tension ambiante. Tout le monde retient son souffle.

La voix d'Yvo refait enfin surface.

... en approche, à l'entrée sud d'la ville.

— Répète, Yvo, qu'est-ce qui est en approche ?

Une camionnette ! J'crois qu'il n'y en a qu'une.

— Tu es seul ?

Non, avec ma patrouille !

— Où ça ?

On est sur le toit de la station essence vers l'entrée sud, juste à côté du garage auto.

— Okay, gardez les aougueunn ouverts, mais ne jouez pas aux hèldeunn. Terminé. Billy, va chercher le major et rejoignez-nous.

— Et je le trouve où ?

— À son QG, dans un petit immeuble, en brique, celui près de la place, celle de l'autre côté de la route, tu sais... non, laisse tomber, j'y vais. Garde le contact avec eux.

Il me donne le talkie et court vers la sortie.

— Yvo, ici Billy. Akram est parti chercher le major et du renfort. Décris-moi ce que tu vois.

*

Que j'lui décrive ce que j'vois ? Il est lourd lui !

— Je... il y a une camionnette... petite, grise. Elle roule lentement. Elle vient de nous dépasser et continue de remonter la rue en direction de l'église, plein ouest si j'dis pas d'bêtises. On fait quoi ?

Billy ne répond pas, que des grésillements. Le stress !

Laurence et Karl, deux fantassins du groupe d'Akram, me regardent. Leurs lances entre les mains, ils attendent une réponse. Eux aussi flippent. Eugen, notre chef de patrouille, nous tourne le dos. Appuyé sur le rebord du toit, il ne lâche pas des yeux le véhicule suspect qui continue sa route, peinard.

— Qu'est-ce qu'il t'a dit ? me demande-t-il sans se retourner.

— Pas grand-chose. J'dois garder Billy au courant, c'est tout.

— Billy ? Comment se fait-il que tu aies affaire à lui ?

— Akram est parti chercher le major et des renforts. Ils vont vite arriver qu'il m'a dit. En attendant on n'doit pas jouer aux héros, c'est encore c'qu'il a dit.

Ils n'en disent rien. J'commence à penser que c'était vraiment une idée à la con de m'porter volontaire pour ces patrouilles. Et pourquoi le major m'a laissé y aller ? Il n'a même pas cherché à m'en dissuader, c'est comme si ça lui faisait plaisir que je n'sois plus dans ses pattes. Mais à quoi je lui sers ? Alors d'accord, Eugen a trouvé pratique de me refiler la gestion des comm's, ce qui est quand même cool, mais c'est tout ? J'suis bon qu'à ça ? On n'a même pas voulu que j'prenne un flingue en partant tout à l'heure. On m'a juste donné un couteau de chasse en me disant : « fais attention à ne pas te couper, petit ». Ça me saoule !

Eugen continue de suivre des yeux le véhicule. Il se penche de plus en plus dangereusement. Il est fou lui ! Moi j'ose pas m'approcher du rebord, j'ai jamais été à l'aise avec le vide. Je préfère lui demander.

— Qu'est-ce qu'ils font ?

— Ils continuent d'avancer, tranquillement, très tranquillement. Ils sont sur leurs gardes. Je vais bientôt les perdre de vue.

Il quitte son poste de guet pour se rapprocher de nous.

— Même à ce rythme, pas sûr que les renforts arriveront à temps.

Chroniques des Terres enclavées - Émergence partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant