Le Geek Ultime (1. Genesis)

Ithil - 5

      C'est une grande cours intérieure à ciel ouvert. Il est bon de revoir une lumière naturelle après ce dédale de couloir peu éclairé où s'affichent toutes ces représentations toutes plus effrayantes les unes que les autres. Nous sommes sans doute au centre du Temple lunaire d'Angkor Wat. Face à nous se trouve un grand jardin de fleurs et de palmiers. Le lieu est paradisiaque, vraiment différent de ce que nous avions pu découvrir sur Terre. Au milieu de cet éden, un plan d'eau entoure des colonnes grecques soutenant un toit à l'influence bouddhiste. Les murs sont faits de gros blocs de pierre comme les constructions Incas. A l'intérieur se trouve la dernière bibliothèque. Elle est beaucoup plus petite que celles que nous avons déjà visitées.

Nous sommes enfin arrivés au bout de notre quête entamée il y a six mois. Chaque pas nous rapproche de ce dernier mystère.

- Si vous pensez que cette histoire que nous venons de vous rapporter est la plus éprouvante que vous n'ayez jamais entendu. Que penseriez-vous de celle des premiers pionniers galactiques ? Voulez-vous que nous vous racontions les grandes vagues de colonisation ?

- Nous n'avons pas le temps pour ça.

- Ce que voulait dire mon amie c'est que nous vous remercions, mais nous sommes impatients de découvrir quel savoir si dangereux renferme cette bibliothèque.

Nous montons les quelques marches qui mènent à l'entrée. Il n'y a pas de portes, pas de système de sécurité. Il n'y en a pas besoin. Seuls les elfes vivent ici et ils y ont accès quand ils le désirent. Les hommes, ses croyants seuls dans l'univers, sont loin d'imaginer l'existence d'un tel site sur leur satellite naturel.

Shaka m'invite à entrer. Je pénètre en premier dans ce lieu fantasmé.

Il fait sombre et il me faut quelque temps avant que ma vue s'habitue à l'obscurité. Je commence à deviner des formes. Oh ! C'est tellement improbable de voir ces représentations tous réunis au milieu de ce sanctuaire. Je ne comprends pas pourquoi les elfes ont voulus les éloignés de la Terre. Quel danger représentent-ils ? Toujours la même structure où sont rangés des livres à la reliure grise et au milieu il y a ces sculptures qui pour moi évoquent toute mon enfance. Après les statues de vaisseaux, de monstres et de robots, je ne savais pas à quoi m'attendre. J'ai l'impression d'être dans une version figée dans la pierre du ComicCon. Je suis dans un palais à la gloire des super-héros. Spider-Man, Iron Man, Captain Marvel mais aussi Wolverine et Hulk font face à Superman, Green Lantern, Wonder Woman, Flash et le Martian Manhunter.

Marvel face à DC comics.

- Vous vous trompez Angus. Mû face à Atlantide, voilà ce que ça représente.

J'avoue que j'ai du mal à assimiler cette information.

- Non ! Ce n'est pas possible !

- Vous nous amusez Angus. Vous refusez de croire l'évidence.

- Mais... ce sont des héros. Certains ne sont même pas terriens.

- Ce sont vos rêveurs... non ce n'est pas le mot... vos scénaristes. Il ne faut pas croire que tout ce qu'ils ont écrit est ce qui s'est passé. Il y a beaucoup de divergences. Par exemple, les sabres lasers n'ont jamais servis. A l'époque, ils ont été jugés trop dangereux pour leurs utilisateurs. Vos scénaristes, ce sont eux qui ont inventé des origines à ces personnages et en ont fait d'eux des gloires à la justice.

Quelque chose se brise en moi. Si ils ne sont pas ce que je pense, c'est que...

- Vous êtes dans la bibliothèque de la connaissance de l'optimisation de l'homme. Fort de leur expérience en fabrication de monstres, les humains se sont dit que la prochaine étape était de manipuler leurs gênes pour évoluer dans le seul but d'écraser l'adversaire. Ce ne sont pas des héros. Ce sont des expériences extrêmement dangereuses qui ont crée des machines à tuer. Les deux camps se sont dotés d'humains optimisés. Ce qu'ils n'avaient pas prévu c'est que, comprenant leur supériorité, chacune d'eux a voulu prendre le pourvoir sur tous les autres. Les guerres ne se sont plus limitées au deux factions ennemis. Les pouvoirs n'ont fait qu'amplifier leur nature égoïste d'humain. Ce ne sont pas des héros, ce sont des tueurs sanguinaires, des bourreaux.

L'adage du tisseur : un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ne vaut que si l'optimisé est doté d'une conscience altruiste. Bien souvent, à la question : « que ferais-tu si tu pouvais voler, voir à travers les murs et être super forts ? » La personne répondra toujours en fonction de ses goûts personnels : je voyagerais, j'irais braquer une banque, je regarderais les filles sous la douche dans les vestiaires, et cetera, et cetera. Malheureusement jamais quelqu'un ne dira : « je me mettrais au service de la population ».

- Vous avez tout compris cher Angus. Tous ces livres renferment la manière de donner des pouvoirs surnaturels aux êtres humains. Qu'en ferait l'humanité ? Nous pouvons vous répondre pour l'avoir vu : folie et destruction. Nous lisons dans votre esprit que vous aimeriez posséder certains de ces pouvoirs. Nous vous le déconseillons. Ça n'apportera que malheur et désolation.

Qui n'aurait pas envie d'avoir les talents de Superman ? Dans les comics, les super-héros ont toujours un super-vilain à combattre. Ça leur donne une légitimité d'existence. Mais s'il n'y avait rien de tel, quelle utilité auraient-ils ? Même si il le voulait Superman ne pourrait pas sauver tout le monde. Il faudrait ajouter à ses pouvoirs l'omniscience, l'omnipotence, la précognition et le don d'ubiquité. Même si c'était possible, ce serait un travail à plein temps. Et chacune de ses journées serait consacrés à voir des choses horribles dont seul l'homme est capable. De quoi entraîner n'importe quel être, même doué d'une super-empathie, vers la folie. De plus, il ne pourrait pas sauver tout le monde et se le reprocherait. L'humanité, ne se remettant jamais en question, le condamnerait à cause de son impuissance face à tous les maux de la Terre. Je pense que les deux seuls solutions qui germerait dans son esprit, pour remédier à cet état de démence engendré par ceux qu'ils voulaient aider, serait de vivre cacher loin de toute société ou d'éliminer ce peuple cruel et néfaste. Drôle de choix ! Dans les deux cas, on finit seul. Je préfère ne pas avoir à choisir. Shaka a raison, ce temple renferme ce qui peut arriver de pire à l'Homme.

Je vois dans son regard qu'il a suivi mon raisonnement. Il semble satisfait de ce qu'il a lu dans mon esprit car j'ai encore droit à ce demi-sourire complice. Je n'arrive toujours pas à cerner ses intentions. J'en saurais plus en continuant de le questionner.

- Comment tout s'est terminé ?

- En désastre.