𝟏.

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J'étais assise dans cette pièce étouffante, une lueur dorée caressant les rideaux de velours. Devant moi, une table encombrée de livres et de documents, mais je ne pouvais m'empêcher de fixer une feuille en particulier. Encore et encore, je relisais les mêmes informations sur le Duc Aarden. Ses exploits militaires, ses alliances religieuses, tout tournait en boucle dans mon esprit.

Dans ce monde déchiré entre l'Empire et le Vatican, il avait su se tailler une place. On parlait de lui avec autant de respect que de crainte. Ses manœuvres à la bataille de Saint-Abatista étaient devenues légendaires, un modèle de stratégie militaire. Il était aussi un pilier pour le Vatican, un homme dont la foi et la ruse avaient soutenu la résistance contre l'oppression impériale.

Je soupirai et j'essayai de me concentrer, mais les mêmes phrases résonnaient comme un écho incessant. Soudain, des rires éclatèrent de l'extérieur. Je tournai la tête vers les grandes vitres et vis mes cousins jouer dans le jardin. Leur joie innocente contrastait cruellement avec l'angoisse qui me tenaillait. Un sourire nostalgique effleura mes lèvres avant de disparaître par un frisson qui me parcourut lorsqu'une main se posa sur mon crâne. Une prise légère mais inébranlable.

« J'espère que ce n'est pas trop compliqué de réviser avec ce brouhaha, Sœurette. »

Je levai les yeux et mon regard rencontra celui de Cesare, semblant chercher la moindre faille en moi.

« Non... » tentai-je de chasser cette peur en me concentrant sur ce que j'avais appris. « Le Duc Aarden est connu pour ses exploits militaires, notamment à la bataille de Saint-Abatista où il a utilisé une manœuvre de flanc pour surprendre les forces ennemis. Il a également été un fervent soutien du Vatican, jouant un rôle clé dans certaines négociations qui ont permis de renforcer les alliances religieuses contre l'Empire. Ses connaissances en théologie et en stratégie lui ont valu le respect et la crainte de ses adversaires. »

Les mots sortaient mécaniquement mais je sentais qu'il analysait chaque inflexion, chaque vacillement dans ma voix. Je luttais pour maintenir une façade de calme mais l'angoisse me rongeait.

« Et que direz-vous de la trahison du Duc lors du Conclave de 1500 ? »

Mon esprit se vida aussitôt et la panique m'envahit. Je n'avais aucun souvenir de ce passage dans mes lectures. J'avais parcouru tant de détails, mais cette trahison spécifique ne me disait rien.

« Je... Je ne m'en souviens pas. » avouai-je à voix basse, les yeux baissés, redoutant sa réaction.

Mais contre toute attente, il resta calme et silencieux, avant qu'un sourire glacial ne vienne dessiner ses lèvres.

« Vraiment ? C'est pourtant un événement crucial, Althéa. Comment espérez-vous comprendre l'histoire d'Aarden sans connaître cet épisode essentiel ? »

« Je... Je vais rechercher cette information. »

« Faites-le. » relâcha-t-il enfin sa main de mon crâne. « Et assurez-vous de ne pas négliger des détails aussi importants à l'avenir. La connaissance est une arme, Althéa. Une arme que vous devez manier avec précision. »

Alors qu'il s'éloignait, mes jambes continuaient de trembler et mes mains, crispées sur le bord de la table

Je dois me ressaisir.

Inspirant profondément, je me levai et me dirigeai vers la bibliothèque. Les rayons débordaient de volumes poussiéreux, mes doigts effleurant leurs reliures usées. Enfin, mes yeux se posèrent sur un ouvrage récent traitant des intrigues de l'Église.

Un ouvrage seulement édité pour mon frère. Pas étonnant que je ne l'ai pas su.

Il était écrit que le Duc Aarden avait secrètement aidé l'Église lors du Conclave de 1500. Ses actions avaient été cruciales pour garantir l'élection d'un nouveau pape aux intérêts du Vatican. Son dévouement envers l'Église avait été salué comme un acte de loyauté inestimable, renforçant ainsi sa position au sein de la hiérarchie ecclésiastique.

Ce n'est pas vrai...

Ce Duc était donc un allié précieux pour l'Église, dont l'Empire ne pouvait se débarrasser de lui aussi simplement, dû à ses exploits passés en leur nom malgré sa corruption.

C'est grâce à cette relation avec le Duc que Cesare peut espérer accéder au rang convoité de Cardinal. Mon rôle est bien plus que celui d'une épouse ; je suis une clé dans son ascension vers le pouvoir. Comme toujours. Mais là, c'est différent. J'ai comme... un mauvais pressentiment.

Les murs de la bibliothèque semblaient se refermer sur moi et mon cœur se mit à battre plus vite.

Si je fais un faux pas, si je ne parviens pas à satisfaire les attentes de Cesare, qu'adviendra-t-il de moi ? Que puis-je faire ?

Mes mains se mirent à trembler de façon incontrôlable, faisant tomber le recueil au sol. J'essayai de prendre une profonde inspiration mais mes poumons refusaient de se remplir. Une oppression terrible m'étreignait la poitrine et chaque respiration devenait une lutte. Je reculai d'un pas, puis d'un autre, sentant mes jambes vaciller sous moi. La pièce tournait et avec, les visages des Cardinaux, du sang, le Duc, de nouveau du sang, Cesare, du sang, des vitraux d'une cathédrale, et encore du sang s'en mêlaient. Je me laissai tomber sur une chaise, incapable de rester debout.

Que se passe-t-il ?

Des larmes incontrôlables se mirent à rouler sur mes joues. Je voulais crier, mais aucun son ne sortait de ma gorge nouée. La pièce autour de moi devenait floue, comme si le monde entier se désintégrait.

« Althéa ! » retentit soudainement la voix de Cesare, tranchante et impatiente.

Il était revenu et en un instant, il fut à mes côtés, sa poigne ferme et autoritaire se posant sur mes épaules.

Non... Pas lui. Pas maintenant.

« Respirez. » m'ordonna-t-il, sa voix se faisant plus dure. « Inspirez profondément. »

Je tentai de suivre ses instructions, mais chaque respiration semblait un effort herculéen. Les larmes continuaient de couler et je me sentais submergée par la panique. La poigne de Cesare se fit plus forte et le monde se mit soudainement à tourner bien plus vite. Une obscurité envahissante commença alors à engloutir ma vision, mon corps ne pouvant plus supporter cette pression. La dernière chose que je vis fut le regard sévère de mon frère avant que tout ne devienne noir.










𝐁𝐎𝐑𝐍 𝐓𝐎 𝐃𝐈𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant