soundtrack - playlist été 72
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Je marchais en trainant des pieds, le soleil dans les yeux et la chaleur me tapant sur la tête : j'avais oublié mon chapeau ; et voilà que je sentais l'insolation me tomber dessus tel un rapace. Je m'arrêtai quelques instants face à l'eau à ma gauche, qui m'attirait avec sa douce fraîcheur. Mais un panneau "nage interdite" me ramena vite à la réalité et m'empêcha de piquer un petit plongeon.
Je continuais donc mon chemin le long de la Marne, en grognant contre mon matériel de peinture qui se faisait de plus en plus pesant sous mon bras droit.
L'été 1972 était mon dernier été de libre avant que je ne reprenne mes études d'arts : je les avais arrêtées durant l'an passé, à cause d'une maladie du coeur qui s'était déclarée chez mon frère ; j'étais donc allé directement à son chevet. Il avait succombé il y a deux mois de cela.
Pour l'instant, cet été était le plus ennuyeux que j'eu jamais passé : la chaleur était insupportable, je n'arrivais jamais à peindre quoi que ce soit, et je n'avais aucun ami sur Paris ou dans ses alentours, car la plupart avait fini leurs études, tandis que moi, il ne me restait plus qu'un an. Ainsi donc, je me retrouvais bien seul, moi qui aimait voir mes amis et être entouré. L'année de mes 21 ans n'était sûrement pas la plus palpitante, entre le décès de mon frère et cet été interminable et désertique.
Un bateau accosté à la rive au loin attira mon regard, et j'hésitai. Puis je finis par me dire qu'un peu d'ombre et de repos ne me ferait pas de mal ; et puis peut-être qu'une petite escapade me permettrait de trouver de l'inspiration pour peindre.
Alors je dirigeai mes pas vers l'embarcadère, qui se faisait de plus en plus net à mesure que je l'approchais. C'était une belle péniche blanche et moderne, très propre et brillante, avec des lampions de toutes les couleurs accrochés de la poupe à la proue, allumés sans aucun intérêt étant donné le fort soleil. Des fleurs de cerisier étaient aussi accrochées sur le toit de la cabine, et un symbole de la paix avait été peint sur la coque.
Je relevais la tête vers le ciel, qui était bleu et dégagé, aucun nuage en vue. Il y avait peu de vent, ce qui rendait l'air étouffant. Je ne savais pas ce qui m'avait pris de sortir pendant l'heure la plus chaude de la journée, alors que tout le monde était à l'ombre des terrasses, ou enfermé chez soi ; c'était peut-être ce qui m'avait poussé à sortir brutalement, je préférais sans doute mourir de chaud dehors plutôt que de rester dans mon minuscule studio, comme un lion dans sa cage.
Je finis par arriver devant l'amarre du bateau, où un jeune homme somnolait sur une chaise, devant une petite table où trainaient quelques fleurs. Je toussotai légèrement pour attirer son attention, et fini par le réveiller en le secouant par l'épaule. Il s'étira lentement comme si de rien n'était, et me demanda en souriant si c'était pour la balade en bateau. J'acquiesçais en sortant mon portefeuille.
- Pas besoin, m'assura l'homme en me donnant une des fleurs sur la table. La péniche devrait bientôt partir, bonne balade !
Je restai confus quelques instants, puis montai sur le bateau, observant la fleur dans mes mains ; c'était un beau tournesol jaune, tel un soleil rayonnant. Je l'accrochai dans ma tignasse brune.
Je me dirigeai vers l'avant de la péniche. L'embarcadère donnait l'impression d'être beaucoup plus grand une fois qu'on était dessus. Le parquet brillait, bien astiqué, ça sentait le bois et le propre, ainsi que la cigarette. Je m'avançai sur le ponton.
Il y a avait aussi plus de monde que ce à quoi je m'attendais, je n'avais pas été le seul à avoir l'idée de faire une petite escapade, ça c'était sûr. Un groupe de hippies me saluèrent alors que je passais devant eux, et je le leur rendit en souriant. Je finis par trouver une place à l'écart et à l'ombre, comme je le voulais.
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ÉTÉ 72 | Adonis & Hermès
Randomun coup de pinceau doré pour peindre ton iris dieu humain à l'aura du soleil qui fait craquer chaque partie de mon cœur | one-shot Adonis & Hermès | - heliopsys © 2021