0 | Prologue

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Méfiez-vous des ombres :
elles sont toujours plus sournoises que les armes





J- J


13h09

Galerie Borghèse, Rome, Italie


— Plus que cinq secondes.

La tireuse ajusta une dernière fois la lunette de son Barrett en hochant la tête. L'homme qui venait de lui donner le compte à rebours se décala d'un mètre ou deux pour lui laisser plus d'espace et amena sa main à son oreillette pour annoncer aux autres que tout était en ordre. Un grésillement lui répondit d'abord puis la voix électronique d'une femme lui donna l'autorisation de tir. Il s'empressa de la communiquer à la femme accroupie sur le toit à quelques pas de lui qui, concentrée sur sa cible, se préparait déjà à enfoncer la gâchette de son sniper.

Quelques minutes plus tôt, dans les jardins de la galerie, Monsieur Scopoli se délectait de sa charmante compagnie. Depuis dix ans qu'il était à la tête du musée, il avait rarement eu le loisir de rencontrer des collectionneuses d'art aussi ravissantes. Lui qui avait plutôt l'habitude de vieille femme acariâtres ou à de condescendants hommes d'affaires, il ne pouvait qu'apprécier la délicatesse de cette femme qui prenait le temps de s'attarder sur les œuvres que renfermaient sa galerie.

A ses côtés, la prénommée Madame Basili s'éternisait sur la sculpture de L'Enlèvement de Proserpine du Bernin qui siégeait fièrement dans le hall d'entrée du musée. Quand il lui tapota l'épaule, elle se laissa docilement mener vers une porte bien plus discrète que le majestueux portail d'entrée. Tandis qu'ils marchaient, elle tourna la tête et s'aperçut que l'homme la regardait avec un grand sourire. Ses lèvres, peintes d'un rouge laqué irréprochable, s'étirèrent à leur tour et elle prit le temps de complimenter le maître des lieux sur la beauté de sa collection. Monsieur Scopoli la remercia chaleureusement et pensa aussitôt que cette collectionneuse, quoiqu'encore inconnue pour lui il y a deux semaines, était décidément bien mieux éduquée que tous ceux qu'il avait rencontré par le passé. Il espérait sincèrement qu'elle accepterait d'aller diner avec lui un soir prochain.

De surcroît, l'œuvre qu'elle réfléchissait à léguer était d'une valeur inestimable. Marie-Madeleine en extase était une pièce du Caravage qui demeurait en collection privée depuis bien trop longtemps aux yeux de tous les amateurs du peintre. Scopoli jubilait d'avance, non pas qu'il était amateur de belles peintures mais plutôt parce que la Caravaggio Research Institute lui signerait un très gros chèque s'il arrivait à leur dégoter ce tableau. Au fond, il se moquait que la Madone des palefreniers ou que Saint-Jérôme écrivant aient une nouvelle compagne tant que l'argent coulait à flot dans ses poches.

Alors qu'il s'apprêtait à demander à nouveau à sa charmante compagne comment elle s'était retrouvée en possession d'un tel trésor, un bruit assourdissant retentit dans tout le hall du musée. Les murs tremblèrent si bien que toutes les personnes de la première visite guidée de l'après-midi se figèrent immédiatement et une fumée épaisse commença à se répandre au moment même où les sirènes du protocole de sécurité se mirent en route. Apeuré, Monsieur Scopoli s'était jeté au sol, persuadé que la déflagration était celle d'une bombe. Madame Basili le suivit dans la précipitation et se coucha sur le sol à ses côtés, comme tous les touristes qui s'étaient trop attardés dans l'entrée de la galerie. Quelques cris de terreurs se mêlèrent au brouhaha des portes qui se verrouillaient et à celui des alarmes qui hurlaient toujours.

La jeune collectionneuse ne perdit pas une miette du ballet des aérateurs se coupaient pour prévenir le risque d'incendie, des ventaux blindés qui coulissaient sur chaque ouverture vers l'extérieur, des portes du musée qui se verrouillaient électroniquement ou de celui des haut-parleurs qui tentaient de couvrir le bruit strident des sirènes pour prier les touristes de rester calmes et de se rendre le plus rapidement possible vers les portes de sortie d'urgence.

NÉMÉSIS | LES ROSES DE ROME T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant