Voda - Tome 1 : L'Œil d'Obsidienne

Chapitre 1 : Contact

Je cours. Je sais que si je m'arrête, je suis mort. Je sais que si je me retourne ou jette un simple coup d'œil en arrière, je suis mort. Mon cœur bat à grands coups dans ma poitrine, comme si chaque battement était le dernier. Je suffoque, mes poumons crient grâce, mes muscles me hurlent de m'arrêter, d'abandonner. Je cours. Mes pas martèlent le sol. Derrière moi, un hurlement retentit et des pas lourds résonnent, de plus en plus proches. Je prends un énième virage alors qu'une première goutte s'écrase sur le sol. Le nuage noir qui menace depuis des heures se déchire enfin, comme s'il avait attendu que la fin soit proche. Une trombe d'eau se déverse maintenant sur le chemin pavé. Sans m'arrêter de courir, je souris. La pluie. Peut-être que rien n'est perdu finalement ! Devant moi, encore un virage, je ne les compte plus. Depuis combien de temps est-ce que je cours ? Une minute ? Une heure ? Toujours ? Le temps a perdu toute sa signification et ma vie n'est désormais plus contenue qu'en un seul objectif : survivre. Derrière moi retentit un autre hurlement à glacer le sang, plus proche encore que le précédent. Je modifie légèrement mes appuis et prends la courbe du virage. Je lève la tête et m'aperçois que la rue dans laquelle je viens de m'engager se termine par un mur que je n'aurai jamais le temps de franchir. J'analyse la situation en quelques secondes et prends ma décision.

Il m'arrive de comparer la vie à une partie de cartes. Chacun manie les siennes en fonction de la situation, les pose, et les joue à sa manière. Moi, en cet instant, j'abats ma dernière. Je prends une grande inspiration. Alors que mon instinct de survie me pousse à fuir, je ralentis.

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Agael ferme les yeux pour mieux entendre le silence. Bientôt, chuchote l'Univers à son oreille. Satisfait, l'homme rouvre les yeux avec un sourire aux lèvres. Un mouvement d'air, il a disparu.

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Evan se redressa d'un coup, le front en sueur. Son coeur tambourinait dans sa poitrine, et il haletait comme s'il venait de courir un marathon. Il attrapa son téléphone sur la table de chevet d'une main tremblante. Trois heures du matin. Il s'assit au bord de son lit en poussant un long soupir. Il tenta de se remémorer son rêve, mais il se délitait déjà dans sa mémoire comme des écharpes de brumes au contact du soleil. Il se rallongea et fixa le plafond un long moment et quand l'adrénaline eut enfin quitté ses veines, il se rendormit.

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Sur l'écran du téléphone posé sur la table de chevet, le nombre 59 se changea en 00 et l'appareil se mit à cracher le solo de guitare endiablé de Beat It signé Van Allen.

- Déjà ? râla Evan.

Il se redressa dans un grognement en s'étirant. Il s'habilla rapidement puis descendit à la cuisine prendre son petit déjeuner seul, ses parents et son frère dormant toujours. Après s'être rempli de céréales jusqu'à être sûr de tenir la matinée, il prépara soigneusement ses affaires, jeta son sac sur ses épaules et sortit en refermant doucement la porte d'entrée derrière lui pour ne réveiller personne. Le temps était frais mais sec et la journée s'annonçait radieuse, ce qui mit le jeune homme de bonne humeur. Alors qu'il marchait vers son lycée qui se trouvait à une demi-heure à pied, il observa autour de lui.

L'automne déshabillait quelques arbres et en peignait d'autres avec des couleurs chaudes. Le jeune homme regarda soigneusement de chaque côté de la rue avant de passer sur le trottoir d'en face. Il dépassa une série de maisons aux murs soigneusement crépis de blanc, de bleu pâle ou encore de jaune clair. Les réverbères qui jalonnaient les rues s'éteignirent d'un coup, tandis que les fenêtres des maisons s'illuminaient unes à unes et que la rue entière prenait lentement vie sous les premiers éclats de voix. Quelques minutes plus tard, il passa un petit pont qui enjambait une rivière au bord de laquelle il avait passé des après-midis entiers à pêcher avec son père. Il s'appuya quelques instants au muret de pierre à contempler les reflets du soleil dans les remous d'un œil absent, plongé dans ses pensées comme à son habitude.