Sonate au Clair de Lune - Le Sommeil d'Endymion

30 6 36
                                    

En cette froide journée d'hiver, des flocons de neige tapissaient de blanc les parterres de fleurs des jardins du palais du Louvre. Ils scintillaient de mille feux sous la douce lumière argentée de cette nuit de pleine lune.

Les gardiens du musée, comme à leur habitude, effectuaient leur ronde lampe torche à la main. Les salles d'exposition, plongées dans la pénombre, se paraient d'ombres silencieuses. Depuis les ténèbres, une femme à la silhouette éthérée émergea sans un bruit. Discrètement, elle grimpa les degrés montant à la salle du Manège d'où le buste géant d'Antinoüs l'observa de ses orbites vides.

Aussi furtivement qu'une souris, elle se glissa dans la galerie sur sa droite, menant à l'escalier Daru. Elle le contourna dès qu'elle y parvint. Moins d'une minute après, elle pénétrait enfin dans les appartements d'Anne d'Autriche. Depuis les fenêtres monumentales, une lumière bleutée frappait les sculptures antiques rehaussant la blancheur et le poli de la pierre. Instantanément, la femme se figea. Une larme roula sur sa joue.

Elle l'avait enfin trouvé.

Au centre de la pièce se détachant sous les rais argentés, trônait l'image pétrifiée dans le marbre de son bien-aimé. En nudité héroïque, il levait son bras droit vers son visage tandis que de son bras gauche coulait un drapé qui reposait sur la carapace d'une tortue.

Le souffle lui manqua. L'émotion la submergea. Elle avait du mal à s'arracher à la contemplation de ce visage dont les traits se découpaient dans la pénombre.

Elle avait cru oublier cette moue boudeuse ainsi que cette fossette au menton qu'elle affectionnait tant. L'abîme du temps était cruel.

Sans plus attendre, elle se reprit. Elle se languissait depuis deux millénaires. Il n'y aurait pas d'autre nuit comme celle-ci avant plusieurs siècles. Elle ne pouvait plus tergiverser.

Se baissant, elle traça un cercle incantatoire à la craie aux pieds de la statue. Puis, d'un geste habile, elle entailla ensuite son pouce avant d'appliquer une goutte de sang sur les inscriptions en grec ancien gravées sur la tortue.

Soudain, une lueur blanche vint frapper le torse de la sculpture. Pendant un instant, la femme fut aveuglée. Quand elle rouvrit les yeux, un sanglot s'étrangla dans sa gorge. Devant elle, la statue avait pris vie.

Elle avait réussi. Elle avait ramené Marcellus du royaume d'Hadès.

Alors qu'elle se relevait et tendait une main tremblante vers lui, elle entendit sa voix profonde et chaude.

« Circé ? » demanda-t-il confus. « Mais où sommes-nous donc ? »

Les larmes montèrent aux yeux de Circé. Elle se précipita alors dans ses bras, savourant leur chaleur ainsi que leur étreinte. Elle en avait tant rêvé. Levant un visage baigné de son bonheur retrouvé, elle posa ses lèvres sur celles de Marcellus. Aussi chaudes et savoureuses que dans son souvenir. S'écartant de quelques pas, elle plongea son regard émeraude dans les prunelles grises de son amant.

« Zeus, ... » articula-t-elle avec difficulté. « J'ai conclu un pacte avec lui. Comme Séléné. »

Marcellus n'eut aucun besoin de plus d'explications. Il comprit à quel genre de ruse le roi des dieux avait eu recours pour accéder à la demande de la magicienne.

Qu'importait, son cœur débordait de joie. Il battait à coups assourdis dans sa poitrine. Il avait cru ne plus jamais revoir sa bien-aimée Circé. Il avança une main hésitante vers sa longue chevelure rousse. Il y enfouit ses doigts avant de humer son parfum de chèvrefeuille. Ses yeux s'embuèrent un instant puis un sourire lumineux étira ses lèvres.

Sonate au Clair de Lune -  Le Sommeil d'Endymion [One Shot - Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant