Chapitre 10: Réunion sous tension

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La réunion commence en beauté, avec un petit point sur le ressenti des nouveaux. Je laisse à Robin le soin de se lancer en premier, afin de préparer rapidement, dans ma tête, un petit laïus qui ne sera pas trop assassin.


— J'ai trouvé cette semaine très intéressante et constructive, commence-t-il enjoué. Je pense qu'il y a plein de belles personnalités et j'ai hâte de travailler avec vous plus étroitement.

Alors qu'il appuie sur son dernier mot, il tourne la tête pour me lancer un regard intense qui me déstabilise. Ses yeux charbonneux prennent possession des miens et je bascule dans une bulle d'espace-temps qui me fait complètement oublier où je me trouve. D'un coup, il n'y a plus que lui, moi et une salle pleine de chaises vides. Une vague de chaleur me submerge mais, pour une fois, la sensation est agréable. Comment est-ce possible que ses deux yeux puissent à ce point me faire perdre mes moyens ?

— Et toi, Roxane, qu'as-tu retenu de ta semaine ?

Cette interrogation de mon cadre me ramène à la réalité. Je secoue la tête, comme pour reprendre mes esprits. Avec tout ça, je n'ai pas eu le temps de préparer à ce que j'allais dire. Sans réfléchir, je lance la première chose qui me vient à l'esprit.

— Eh bien, je retiens que j'ai de la chance d'être dans la contre équipe avec Leya, Astrid, Vanina et Eugène car autrement, j'aurais déjà pris les jambes à mon cou tant Marina est hostile.

À peine ma phrase terminée, je me couvre la bouche à l'aide de mes mains, en réalisant ce que je viens de dire. Plusieurs railleries se font entendre dans la salle, dont celle de l'interne impudique placé à ma droite. Un coup d'œil rapide à la principale intéressée et je comprends à la vision de sa mâchoire crispée, que je viens de déclencher le début d'une guerre sans fin.

— Bravo Roxane, chuchote délicatement Robin à mon oreille. Je n'ai jamais entendu un résumé si captivant. Moi qui pensais que cette réunion serait d'un ennui mortel...

D'un mouvement de bras, je lui intime de se redresser. Je me sens déjà bien assez honteuse, pas besoin de me rappeler que je viens de me faire remarquer, une nouvelle fois. Bien que j'en pense chaque partie, j'ai nettement oublié que l'on est en équipe complète. Face à l'agitation naissante, le cadre frappe dans ses mains pour intimer le silence.

— Bien, ça a au moins le loisir d'être honnête, intervient-il clairement mécontent de mon petit speech. J'espérais, cependant, une remarque un peu plus professionnelle. Autre chose à ajouter, Roxane ?

Je fais non de la tête et coule sur ma chaise. Je ne tiens pas à aggraver mon cas. Alors que je me tape le front dans la paume de ma main, comme pour me flageller d'avoir ré-ouvert les hostilités, je sens quelque chose remonter le long de mon tibia. Vu que je n'ai personne à ma gauche, je n'ai pas besoin de regarder pour savoir qui tente de me faire du pied.

— Excuse-moi, interpellé-je Robin d'une voix presque inaudible. Je ne suis pas ton paillasson.

Robin rabat rapidement son pied sous sa chaise, me permettant ainsi de me recentrer sur la réunion. Lucas enchaîne sur les points importants à retenir de cette semaine et sur l'organisation de celle à venir. Alors que chacun donne des précisions sur les prises en charge de leurs enfants en référence, je suis une nouvelle fois distraite par mon voisin de gauche qui revient à la charge.

— Range ton pied une bonne fois pour toutes ! Ce n'est ni le lieu, ni le moment et surtout c'est complètement inadapté.

Je prends sur moi et fais de mon mieux pour rester la plus discrète possible.

— Désolé, se dédouane-t-il la mine faussement déçue. Je pensais qu'un contact amical t'aiderait à oublier ton dérapage de tout à l'heure.

"Un contact amical, il se fout de nous ?" se frustre ma conscience. "Il doit avoir de drôles d'amis pour agir de la sorte !"

Les Chroniques d'une infirmière en PédopsychiatrieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant