Chapitre 35.1 - ... ne craindre aucune lame

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— Les fantassins, continuez tout droit vers le poste 10, on se retrouve là-bas. Les tireurs, avec moi, il faut couvrir la retraite des résistants.

Les lanciers ne discutent pas et partent en direction de la place centrale de la ville. Leur course est désorganisée, chaotique, claudicante pour certains. Ils font peine à voir.

Major, ils nous prennent à revers !

— On arrive, Kadir.

Suivi par la vingtaine de tireurs de mon équipe, je cours en direction du poste 13.

Submergés par l'ennemi, Kadir et ses hommes se sont retrouvés bloqués. Il faut vite les sortir de là. Si je leur avais ordonné de se replier seulement une minute plus tôt au lieu d'hésiter aussi longtemps ils ne seraient pas dans ce guêpier. Les hommes qui m'entourent se sont-ils rendus compte de ma faiblesse passagère ? Silencieux, concentrés, ils continuent de me suivre.

Nous remontons la petite rue parallèle à la principale. Nous devrions arriver par le sud et surprendre les assaillants qui empêchent la Résistance de se replier. Les grandes maisons de ville collées les unes aux autres défilent rapidement. Nous arrivons au virage qui mène au carrefour tenu par Kadir. Les coups de feu soutenus résonnent de plus en plus fort à mesure que nous approchons. Des cris nous parviennent, très distinctement. Nous sommes maintenant tout proches des combats.

— Contact !

Un groupe d'une petite dizaine d'hommes apparaît dans le virage et court dans notre direction.

— Ne tirez pas ! Ce sont des fantassins du poste 13 qui se replient. Laissez-les passer.

Ils ne devraient pas être là, ce n'est pas leur route de repli.

Nous nous écartons pour les laisser passer.

— Rejoignez le poste 10.

Ils n'ont pas un instant fait attention à mon ordre et continuent à courir droit devant eux, chacun pour soi, comme un troupeau apeuré fuyant un prédateur. Aucun blessé parmi eux.

Nous sortons du virage. Le poste 13 est maintenant droit devant nous, illuminé par des flashs répétés sans aucune coordination. Le staccato des mitraillettes occupe tout l'espace sonore.

— Kadir, on arrive par la rue sud. Où êtes-vous ?

(Tirs !) nous ont acculés dans un des immeubles qui fait l'angle, mais (Tirs !) pourrez pas approcher. Vous avez croisé des fantassins ?

Oui, ils ont pu se replier.

Nous arrivons à moins de cent mètres du croisement. Ici la guerre passée n'a épargné que deux des quatre bâtiments qui forment les angles du carrefour. C'est sur l'un d'eux que les tirs se concentrent, un petit immeuble moderne d'habitations sur trois étages. Impossible pour Kadir et ses hommes de sortir sans se faire mitrailler.

Un groupe arrive par le nord et se dirige vers la bâtisse.

— Kadir, des hommes approchent. Ils sont avec vous ?

Non ! Klein, faites attention !

Trop tard !

Ils nous ont repérés et ouvrent le feu dans notre direction. Je me jette à plat ventre au sol et riposte aussitôt. Les autres autour de moi font de même. Les balles ricochent dangereusement près de nous. L'un des tireurs ennemis s'écroule. Les autres se ruent à l'intérieur du bâtiment occupé par Kadir pour se mettre à l'abri. Je bascule sur le dos pour regarder autour de moi. La plupart de mes hommes se sont mis à couvert contre les parois qui longent les trottoirs. Quelques-uns ont eu le même réflexe que moi et sont toujours couchés. L'un d'eux gémit de douleur, un autre reste immobile. Je m'approche de lui en rampant. Sa tête est couchée sur le côté, la bouche légèrement ouverte. Je le secoue. Pas la moindre réaction. Sa veste est perforée au niveau de la poitrine. Je l'ouvre. Deux taches rouges grossissent à vue d'œil.

Chroniques des Terres enclavées - Émergence partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant