Un de ses yeux ne s'ouvre pas. Son nez est tordu, du sang séché à la base de ses deux narines. Il ouvre la bouche. Sa lèvre inférieure est fendue et ses deux incisives sont cassées.
— Je... Je ne l'ai... pas vu arriver... pas pu...
Il gémit plus qu'il ne parle.
— Je sais. On m'a raconté.
Son œil se remplit de larmes.
— Je... je ne sens plus mes jambes. Elles... bougent plus...
— Tu viens de te faire percuter, c'est normal. On va s'occuper de toi, ne t'inquiète pas.
La manche de son bras droit a été arrachée. Elle sert désormais à maintenir solidement deux morceaux de plastique qui font office d'attelle de fortune pour son avant-bras cassé.
— C'est Johan. Mon bras... L'os n'est pas ressorti. Il me... l'a remis en place. J'ai de la chance.
Son sarcasme ne suffit pas. Il s'effondre en pleurs. Je lui pose la main sur l'épaule. Paralysé des deux jambes à son âge et à notre époque, c'est peut-être pire que la mort.
— Tenez.
Il me donne son talkie.
— Il marche encore.
— On va continuer le combat.
Je le remercie puis le laisse se reposer.
Les sacrifices sont effroyables. On ne peut pas laisser tomber maintenant, ce serait les ignorer.
Je me dirige vers le groupe de combattants. Ils sont une trentaine en état de se battre, j'espérais plus.
— J'ai besoin de trois volontaires pour s'occuper des blessés.
Après quelques hésitations, mes trois volontaires se démarquent des autres et s'approchent de moi.
— Donnez un coup de main aux infirmiers, ils vous diront quoi faire. Concernant les survivants de la République on ne sauve que ceux qui peuvent l'être, c'est bien clair ? Vous les mettez à part, sous surveillance. Gardez en tête que ce sont des prisonniers.
Ils ne font pas autant de chichi que Johan, mon ordre les indiffère complètement. Ils l'appliqueront à la lettre, sans remords.
— Markus, on s'est rapprochés. Il y a beaucoup de mouvements ici. Ils vont relancer une attaque.
— Major, ici Kristen. Je confirme, l'ennemi revient au poste 11.
— Bien reçu. Billy, il faudrait davantage de tireurs en bas.
— C'est Yvo, j'vous l'passe.
*
Le gosse me tend le talkie.
— Je vous écoute, Major.
— Billy, envoie-moi une dizaine de fusiliers en bas, on va avoir besoin de mobilité. Et dis à Yvo de me rejoindre.
— Et la radio ?
— Garde-la.
Je me tourne vers l'ado.
— Tu as entendu le patron ?
— J'redescends.
— Attends. Tu connais Sybille ? Celle avec les cheveux courts.
Il confirme que oui.
— Dis-lui de prendre huit tireurs et de rejoindre le major.
Fier d'être utile dans cette bataille, il part au pas de course.
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Chroniques des Terres enclavées - Émergence partie 1
Science FictionAlors que la Troisième Guerre mondiale fait rage, le monde bascule dans l'escalade nucléaire le 21 septembre 2037, « The Enola Day ». Le conflit dure quelques mois, suffisamment longtemps pour défigurer la planète. En Europe, un immense territoire s...