Chapitre 1 - Harlem

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— Non, il n'y a rien dans cette pièce, fit le Monstre en passant devant ma porte, c'est un simple dépotoire avec de vieilles affaires de bureau.

— Parfait, répondit une femme à la voix cassante, dans ce cas, ouvrez la porte.

— Je ne peux pas, j'ai perdu la clé, prétexta-t-il.

La poignée tourna alors violemment et je plaquai une main glacée sur ma bouche, adossée au mur transpirant de ma cellule. La femme, âgée d'environ une cinquantaine d'années, fit irruption dans la pièce exigûe. Elle ne mesurait pas plus d'un mètre cinquante. Elle portait des lunettes carrées sur son nez fin et ses cheveux étaient relevés en un chignon banane. Elle était typée asiatique et ses yeux bridés étaient braqués sur moi.

— Quel genre de "vieille affaire de bureau" est-ce, au juste, Monsieur Ambrose ?

Une escouade de policiers encadrèrent le Monstre et la femme s'approcha de moi. Elle saisit ma main frêle, toujours plaquée sur ma bouche, et m'invita à la suivre dans le couloir. Je voyais ce couloir une fois par mois, environ, pour mon bain. Sinon, je ne quittais jamais ma chambre, ma "cellule" comme j'aimais à l'appeler.

— Je m'appelle Ezra, je suis assistante sociale pour les Services de l'Enfance. Votre frère nous a signalé une activité anormale à votre domicile. Pour être plus claire, il nous a dit que ton père te traitait mal. Est-ce-que tu peux le confirmer ?

Nous venions d'arriver au salon. Cela faisait quatre ans que je ne l'avais pas revu, mais rien n'avait changé. Les mêmes rideaux jaune pâle pendaient aux tringles, le même canapé en cuir faisait face au même écran plat, et la table basse était décorée par les mêmes plantes artificielles. J'acquiesçai silencieusement, distraite. Elle me fit m'asseoir sur la causeuse miteuse et prit place à-côté de moi.

— Je dois te dire que tu ne peux plus vivre avec lui. Le juge en référé va décider de lui retirer ta garde. Donc soit tu vas te retrouver dans un foyer, soit tu peux accepter la proposition de ton frère et aller chez lui, dans sa colocation, en Amérique.

— En Amérique ? soufflai-je.

— Je t'avoue que je n'ai encore jamais vu de transferts de ce genre-là, mais apparemment ton frère a su monter un dossier solide. Il vit à Las Vegas, maintenant. Mais la décision te revient entièrement.

Je pensai à ce que je quittais ici : quatre années de souffrance depuis le départ de mon frère, depuis la mort de ma mère, depuis le soudain chômage du Monstre. J'acquiesçai encore. Elle griffonna rapidement sur son calepin et m'invita à sortir de la maison.

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 10, 2021 ⏰

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