Renaissance

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Phoebe se promenait tranquillement, son visage éclairé par l'éclat d'un rayon de lune, caressant parfois de ses mains blanches ses longs cheveux bruns. Ses yeux pétillants semblaient être deux blocs d'améthyste dans la nuit naissante. Un sourire serein et presque angélique aux lèvres, elle chantait un air des Beatles, remuant ses bras pâles comme pour vénérer la Terre et sa beauté, puis sans s'interrompre, elle se déplaça de quelques mètres pour cueillir une multitude de fleurs sauvages au bord de la route. Bientôt, ses bras furent chargés de compagnons blancs, de grandes mauves, de salsifis des prés, et de tanaisie communes.

Et à quelques mètres, dix ou douze mètres, une voiture aux feux d'un blanc aveuglant fonçait à toute vitesse, ne semblant pas apercevoir Phoebe, qui continuait à chanter innocemment. Le coeur de Kelly sembla s'arrêter de battre, aussi bien que tous les membres de son corps étaient, eux aussi, paralysés. Elle voulait crier, dire à Phoebe, de s'en aller de la route, lui prévenir qu'une voiture était sur le chemin, mais la petite fille continuait de chanter. Plus que sept mètres. Six mètres. Cinq mètres. Quatre mètres. La voiture ne s'arrêtait toujours pas. 

Trois mètres. Kelly voulut crier de toutes ses forces, mais sa gorge était toujours bloquée. 
Deux mètres. Kelly voulut avancer, ne serait-ce que d'un pas, mais elle semblait ne pas être autonome de ses propres mouvements. 
Un mètre. Kelly voulut fermer les yeux, mais elle en était incapable : tout ce qu'elle pouvait faire était regarder la scène. Son coeur avait recommencé de battre : mais d'une façon incontrôlée, déréglée. Elle avait l'impression que son organe vital battait à la même vitesse que l'automobile roulait. 

Phoebe fut projetée à plusieurs mètres, mais la voiture continuait de rouler, poursuivant sa route. Kelly regarda avec effroi le corps inanimé, toujours paralysée. Tout était fini. Mais soudain, à son plus grand étonnement et soulagement, la petite fille se releva de dos, les bras en l'air. Madame Osborne voulut pleurer de joie, mais elle en fut toujours incapable. Son coeur fut de nouveau stoppé par une anormalité chez la brunette. Phoebe tournait les bras, très vite, comme des moulins à vent, ses yeux bleus grands ouverts, fixant sans expression le ciel noir.

Kelly battit un instant des cils, et dans la demi-seconde qui suivait, elle vit Phoebe, son visage décomposé, laissant apercevoir des veines remplies de sang noir. Ses yeux n'étaient plus écarquillés, mais exorbités. Elle s'approchait d'elle, tout doucement, sans bruit, tournant toujours des bras et son visage ne marquant aucune vraie expression. Aucun mot n'existait pour exprimer réellement ce qu'elle ressentait, à ce moment précis. Avait-elle peur de sa propre enfant ? Kelly battit de nouveau des cils, pour voir cette fois-ci la Phoebe morte décomposée se dédoubler en la vraie, saine Phoebe, qui arborait le même air inexpressif et battait tout autant des bras que l'autre.

- Phoebe, murmura enfin Kelly. Phoebe. Phoebe ! PHOEBE !
- Kelly, Kelly, réveille toi, s'écria Miles. Réveille toi ! 
- Non, toi, réveille toi, toi ! Il faut sauver Phoebe ! hurla Kelly. Elle est sur la route ! 
- Je suis là, je suis là Kelly, fit Miles. Je suis là ! 

Miles prit dans ses bras Kelly, encore tremblante et dont le visage était rongé par la fatigue, les larmes, les cernes, et la souffrance. Voilà depuis plus d'un an que l'accident de Phoebe s'était produit, et la jeune femme gardait cet événement aussi frais dans sa tête que dans ses rêves, qui étaient toujours les mêmes. Miles, lui, conscient de la faiblesse de sa femme qui s'était déclarée en arrêt maladie, se démenait la journée au travail. Il sentait bien que c'était lui qui devait être fort et protéger. 

- Qu... quel jour sommes-nous ? demanda Kelly, rassurée. Où est Phoebe ?
- Nous sommes le 17 février, et... tu sais où est Phoebe. Là où elle doit être.
- Je... pardon, Miles. J'ai plus mes repères, j'ai... je perds le cap. 

PhénixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant