La maison de Jeff bordait la route passante que les trois adolescents longeaient. Une voiture les dépassa dans une gerbe d'eau et disparut dans la descente. À mesure qu'ils approchaient, la petite bâtisse leur apparaissait plus nettement. Les murs, sans doute blancs à l'origine, avaient été noircis par le temps et la pollution. Un petit carré de jardin mal entretenu aux herbes sauvages encadrait une courte allée en pierres qui menait à la porte d'entrée. Le ciel s'était plus assombri encore et déversait avec toujours autant de fureur ses trombes d'eau qui s'écrasaient sur les toits avec fracas. Le vent n'avait cessé de gonfler et commençait à emporter avec violence poubelles et mobilier de jardin. Les trois amis se faufilèrent par un portillon grinçant, les mains levées devant leurs visages pour y tenter d'y voir quelque chose dans ce déluge.
Parvenus sur le perron, Evan et Joy attendirent pendant que Jeff fouillait son sac et ses poches.
- Ça vient ? cria Evan pour se faire entendre dans la tempête
- Je les trouve pas ! lui hurla son ami en retour. Putain de clés !
Comme pour confirmer ses dires, il retourna son sac. Ses feuilles de cours s'envolèrent aussitôt mais aucun trousseau n'en tomba.
- J'ai dû les perdre au moment de l'explosion !
- On ne peut pas rester dehors, s'écria Joy à son tour, on va se faire emporter !
Un parasol traversa la rue à grande vitesse, ballotté par le vent qui soufflait inlassablement, sans faiblir. Les adolescents durent se pencher pour résister à une bourrasque plus puissante encore que les autres. Jeff disparut à l'angle de la maison et reparut quelques secondes plus tard de l'autre côté.
- Tous les volets sont fermés ! Impossible d'entrer par une fen...
Il s'interrompit brusquement et leva les yeux. À l'étage, un bruit de battants qui claquent parvenait faiblement à leurs oreilles.
- C'est ma chambre là-haut ! s'égosilla Jeff. J'oublie toujours de fermer avant de partir ! Je peux passer par là en me servant de l'arbre à côté de la maison, je l'ai déjà fait plein de fois !
- C'est hors de question ! Tu vas te tuer !
Evan voulut attraper son ami par la manche mais ce dernier se débarrassa de sa veste. Elle entraverait sa liberté de mouvement de toute façon.
- On n'a pas le choix ! Si on reste là, on va se faire emporter ! C'est maintenant ou jamais !
- Le vent souffle trop fort ! c'est de la folie ! renchérit Joy, les cheveux plaqués sur le visage par le vent et la pluie mêlés.
- On va pas fuir indéfiniment, si ?
Il leur adressa un clin d'œil, puis estimant que le geste vaudrait mieux que la parole, s'élança en avant. Ce chêne lui avait servi des centaines de fois à quitter la maison par la fenêtre de sa chambre le soir ou pour pouvoir sortir sans avoir à passer devant son père ivre. Cependant, il l'avait toujours fait par temps sec et avec une visibilité correcte. Grimper, il savait faire, mais dans ces conditions, il allait devoir redoubler de prudence. Il n'aurait qu'une chance. « Allez mon vieux » s'encouragea-t-il intérieurement. Prendre appui le long du tronc n'était pas une option. Beaucoup trop glissant. Il se hissa sur le mur mitoyen des voisins à la force des poignets et de là, s'élança sur la branche la plus proche. Une de ses mains glissa et il ne fut suspendu qu'à la force de son poignet. Il se félicita de s'être exercé de nombreuses heures à renforcer sa force de préhension, qui venait en cet instant de lui éviter de se ruiner une cheville, voire les deux.
À l'abri sous le porche, Evan et Joy retenaient leur souffle. Le garçon pestait de n'avoir pas su empêcher son ami de se lancer dans cette escalade impossible et fouillait du regard l'environnement à la recherche de quelque chose qui pourrait amortir une potentielle chute. Ce ne fut pas nécessaire.
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Voda - Tome 1 : L'Œil d'Obsidienne
FantasyEvan adore l'eau. La pluie battante, les longues douches brûlantes, les longueurs à la piscine, l'apnée à la mer. Pourtant, ce jour-là en cours de natation, il manque de se noyer. Cet évènement étrange semble entraîner une cascade de phénomènes em...