3 | Gare aux blaireaux

1.5K 87 56
                                    

CALEB

J- 55

00h08

Périphérique Est, Rome, Italie

     

— T'as le fourgon en visu ?

— Pas encore.

Je me décale et fais demi-tour pour vérifier une dernière fois que nos sacs sont bien en place et prêts à être remplis à la va-vite. Je relève la tête pour distinguer la voiture garée, à l'orée d'un petit bois, qu'on a volé à un résident de l'immeuble. On a longuement réfléchi et hésité avant de choisir cette alternative mais de toute façon, ce n'est pas comme si on avait eu un large choix. On a également rendu les clés de l'appartement à l'étrange proprio et si tout se passe bien, dans moins d'une heure, on aura quitté la ville. Emi a nettoyé et fait disparaitre toutes traces qui auraient pu nous relier au logement tandis que j'achetais une paire de jumelles et des sacs de voyages avec les quelques économies qui nous restaient. Comme tout m'a l'air en ordre, je repars du côté de l'Italien et m'allonge comme lui, à même l'herbe humide du bas-côté de la voie rapide.

— C'est aujourd'hui, t'es sûr ? me coupe Emi du fil de mes pensées.

— Ouais. Le SMS datait d'il y a un jour quand on l'a trouvé.

Il quitte une seconde les jumelles qu'ils utilisent pour surveiller la route au loin et me fixe, un petit sourire au coin des lèvres. Ses long cheveux noirs tombent sur son visage, ses boucles lui collent au front humide et il me ferait presque peur, là comme ça, dans la pénombre, avec ses vêtements entièrement noirs et son regard perçant.

— Ne sois pas grognon. Je savais que tu finirais par céder, mon petit Caleb, glousse-t-il face à mon examen minutieux.

— J'aurais dû t'exploser la tête dans cet appart de merde, me contenté-je de répondre d'un ton froid.

Il me sourit bêtement, de son sourire d'abruti mais je me concentre sur l'asphalte désert et sombre qui s'offre à nous, à peine illuminée par un ou deux lampadaires esseulés. Je ne réponds pas à sa provocation parce que je ne lui pas dit pourquoi j'ai réellement changé d'avis. Il a cru que j'avais seulement pété un câble avant de revenir sur mes paroles mais c'est beaucoup plus compliqué que ça. Ça m'embête de ne rien lui dire mais je sais que, même s'il veut me le cacher, il est anxieux et très fatigué par tous les évènements qui se nous ont secoués. Je n'avais pas vraiment envie de le mettre plus mal qu'il ne l'est déjà alors j'ai fermé ma gueule et je lui ai annoncé qu'on allait quand même le faire. Il a douté de mon explication, je l'ai vu, mais a fini par hocher la tête et retourner dormir dans le canapé.

J'aurais aimé faire comme lui et réussir à m'endormir dans le misérable lit métallique mais le sommeil n'est jamais venu, trop malmené par mes pensées qui se bousculaient sans relâche. La nuit dernière, le programme que j'avais implanté sur le téléphone d'un des hommes de main de Grimaldi m'a alerté d'un déplacement hors de son territoire d'action. En cliquant sur la notification, j'ai vu qu'ils avaient quitté Palerme depuis plusieurs heures déjà et qu'ils venaient désormais de passer la frontière de la Sicile. Rien ne m'a indiqué que c'était pour nous, et ça ne l'était peut-être pas, mais nous n'avons pas le droit de laisser la place au doute ou à l'incertitude. Alors j'ai compris qu'il fallait qu'on se bouge le cul et que je n'aurais pas le temps de trouver un plan plus fiable.

Il nous faut à tout prix ce fric pour enfin pouvoir tourner la page. Définitivement.

— Au fait, désolé d'avoir évoqué le sujet de ta relation avec Il Le...

— C'est bon. On en parle plus.

Il me répond avec un petit « OK » et se concentre à nouveau sur sa surveillance. Je fais de même, oubliant du mieux que je peux mes souvenirs et mon mensonge par la même occasion

NÉMÉSIS | LES ROSES DE ROME T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant