11.

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- Installez-vous. 

J'inspire pour essayer de calmer l'anxiété qui me gagne de plus en plus de secondes en secondes, enlève mon manteau et le pose sur le dossier de la chaise avant de m'asseoir. L'horloge indique quinze heures pile ; c'était l'heure du rendez-vous que Thaddeus m'avait indiqué par téléphone. La soirée d'hier fut si reposante que j'ai franchement hésité à revenir aujourd'hui. Durant une heure au moins, j'ai savouré le silence, l'odeur du propre, le fait d'être en sécurité et de n'avoir assisté à aucun meurtre, assise devant la fenêtre à regarder les toits de Parlerme. J'ai pris une douche pour me laver de toutes les horreurs auxquelles j'avais été confrontée, et je me suis glissée dans mon pyjama avant de m'installer devant la télé Italienne pour me détendre, et après avoir savouré ma solitude, j'ai répondu aux messages de mes amis. Je leur ai envoyé quelques photos prises en arrivant, ainsi que de la chambre de mon hôtel, pour qu'ils ne se doutent de rien. Cet enlisement dans mes mensonges est en totale contradiction avec les valeurs que l'on m'a apprise, et je sais très bien qu'un jour, je serais rattrapée par la plâtrée de bobards que j'aurais raconté à tout le monde. Mais si ils savaient, ils enverraient les forces spéciales du Royaume-Uni pour venir me chercher ; et au fond, je fais ça aussi pour les protéger. Pour ne pas les plonger dans un monde qui n'est pas fat pour nous, pour leur fermer les yeux sur la vérité. Et je pense que j'ai raison de le faire. 

- Vous comptez faire l'aller-retour tout les jours ? me questionne t-il.

- Oui. Je tiens beaucoup à ma solitude et à ma liberté. 

Ses yeux me transpercent et me font un peu trop mal. J'ai cette pointe dans le cerveau, qui s'enfonce un peu plus à chaque fois qu'il me regarde et que je me souviens de tout ce par quoi il m'a fait passer... Mais au fond, je ne peux m'en prendre qu'a moi-même, c'est évident que je n'allais pas tomber dans le monde des Bisounours. 

- Ce serait plus pratique si tu vous restiez. 

- Non merci, je dis. 

Il se saisit d'un stylo et d'une feuille imprimée qu'il lit tranquillement, et je reste là, assise en silence, à attendre qu'il me dise quoi que ce soit. Quand enfin il se décide, c'est pour m'informer des conditions du deal que nous allons faire, et autant dire que c'est pire que les petites lignes en bas des contrats d'assurance. 

- Vous devrez vous plier à mes conditions. 

- C'est pas étonnant, je grince. 

Ma phrase plombe grandement l'ambiance dans le bureau et di Casiraghi relève la tête vers moi, son stylo toujours dans la main. 

- La porte est grande ouverte si vous avez quoi que ce soit à dire. 

- Je garde ce détail à l'esprit, merci. 

Il faut dire que ce semblant de retour à la normale entre hier soir et aujourd'hui m'a également permis de retrouver un peu de stabilité mentale et de force psychologique. J'ai compris que la seule défense que je pourrais avoir contre lui et son monde, est de tenir tête et de ne pas me laisser intimider. De prouver que j'ai les épaules pour cet accord, que je sais où je vais, et même si ce n'est pas réel, ce sont les apparences qui comptent. Peut-être même que si je parviens à me persuader que je peux le faire, ça marchera...

- Première condition : une clause de confidentialité. 

Il me tend un autre papier. Il m'y est demandé de remplir mon nom, mon prénom, mon adresse résidentielle, le nom d'un contact d'urgence, mon numéro de téléphone et tout un tat d'informations très précises telles que la couleur des yeux, une photo de la carte d'identité, une empreinte digitale... J'ai l'impression de remplir les papiers pour faire un nouveau passeport, sauf que c'est encore pire. 

ULTRAVIOLENCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant