Chapitre 41

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Cette semaine a clairement été la pire de toute mon existence. Et pourtant, en matière d'horreur, j'en connais un rayon. Mais là, je pense avoir atteint un nouveau palier. Je comprends mieux pourquoi cette méthode était utilisée comme punition.

J'ai passé le plus clair de mon temps soit à vomir, soit à dormir. Et bien entendu, mon sommeil n'est pas réparateur. Je ne compte plus le nombre de fois où je me suis réveillée en tremblant non seulement de peur mais aussi de froid, la fièvre ne voulant pas descendre à un seul moment, ou très peu.

Selon Lexa, ce n'est pas anormal et ça devrait bientôt se calmer. Enfin, en partie. Ni elle ni moi ne sommes dupes, mes cauchemars ne sont pas dû uniquement à mon manque. Et je ne suis pas prête d'en être débarrassée.

Dès que je ferme les yeux, je revis tous ces moments. Que ce soit au clan, mes fiançailles en tant que Joséphine ou encore le mois qui vient de s'écouler. J'ai largement de quoi alimenter mes pensées les plus sombres.

Et à plusieurs reprises il m'est apparu. Et toujours, le même scénario se reproduit. Une rencontre hasardeuse, quelques rares sourires, un peu d'espoir, puis un départ brutal aux conséquences horribles.

Aujourd'hui est le premier jour où je me sens à peu près éveillée. C'est à dire que je ne passe pas la moitié du temps la tête au-dessus de la bassine et l'autre moitié à somnoler.

- Comment tu te sens ?

Lexa n'est pas plus reposée que moi. Il faut dire qu'aucune de nous deux n'a pu réellement dormir depuis mon retour. A tout instant, je peux me mettre à hurler. Et le seul moyen d'arriver à retrouver un calme relatif est que la brune reste à mes côtés. Parfois il suffit qu'elle me montre sa présence en me tenant la main, parfois il faut qu'elle me prenne dans ses bras et me laisse évacuer le trop plein d'émotions. J'ai l'impression de vivre un condensé des dernières années, mais en l'espace de quelques jours.

- J'ai déjà été mieux... Mais j'ai déjà été pire aussi.

Elle m'adresse un sourire rassurant.

- Tu penses être capable d'avaler un peu de soupe ? Il faut que tu manges un minimum.

Je secoue négativement la tête en resserrant la couverture autour de moi. Je sais que ce n'est pas raisonnable vu ce que je viens de traverser. Cependant, la simple idée de nourriture me donne envie de vomir. Littéralement.

- Je ne te demande pas un bol complet, juste quelques cuillères. Et après j'ai de quoi faire un chocolat chaud.

- Juste un peu alors... Mais je pense que ce sera tout...

- Je vais te chercher ça. Autre chose ?

- Madi ? je tente.

- Bientôt, promis.

J'ai tenté à plusieurs reprises de voir ma fille, sans succès. Si Lexa a été aux petits soins pour moi, elle est restée intraitable sur ce point. Selon elle, cela pourrait être dangereux, d'autant plus qu'il y a de fortes chances que je ne me souvienne même pas de sa visite, ce qui m'aurait encore plus enfoncée. Je ne peux pas la contredire alors que j'ai plusieurs moments qui se sont, littéralement, effacés de ma mémoire. Par exemple j'aurais tenté de sortir de l'appartement alors que la brune était sous la douche. Sûrement pour rejoindre mon enfant ou chercher une dose quelconque de drogue. Heureusement qu'elle est rapidement sortie et que je n'avance plus aussi rapidement. Depuis cet épisode, elle garde les clés sur elle pour éviter tout nouvel accident dans ce style.

Je m'installe contre ce qui est l'un des accoudoirs lorsque le lit n'est pas déplié. Je n'ai pas la force de tenir correctement droite. Lexa est rapidement de retour. Je grimace à la vue de la mixture, beaucoup plus consistante que celle que j'avais au clan. Je pense que c'est la seule et unique fois où je vais regretter ce bol d'eau.

- Au menu, soupe à la citrouille. J'espère que tu aimes ça.

- Je ne suis pas difficile.

Elle rit doucement avant de remplir une cuillère et de l'avancer jusqu'à ma bouche. Je fronce les sourcils.

- Tu as à peine assez d'énergie pour te retourner. On va éviter d'ajouter des brulures à ta collection de blessures.

- Comme si c'était de ma faute, je marmonne.

- Je n'ai jamais dit le contraire. Mais ça le sera si tu refuses mon aide.

- Je n'ai pas faim de toute façon.

Clairement, je suis d'assez mauvaise humeur.

- Madi n'est pas là alors tu as décidé de prendre le rôle de l'enfant, elle me taquine sans se laisser démonter.

- Peut-être.

- Je ne sais pas comment tes parents réagissaient, mais je ne compte pas céder. Tu as besoin d'avoir quelque chose dans le ventre. Et d'une douche aussi mais une chose à la fois.

Je soupire mais dois reconnaitre qu'elle n'a pas tort. Evitant consciencieusement la partie concernant mes géniteurs, je la laisse me nourrir. Et, étant donné qu'elle cache le contenu du bol, elle réussit à me faire finir le récipient en entier alors que mon estomac semble sur le point d'exploser. Je suis persuadée qu'elle l'a fait exprès. J'ai découvert un côté assez manipulateur chez la brune ses derniers jours, elle arrive toujours à ses fins sans même que je ne m'en aperçoive. Ça devrait me faire peur. Que quelqu'un arrive à me faire faire ce qu'il veut, c'est rarement rassurant. Surtout quand je repense à toutes les dernières fois où je me suis fait manipuler, qui se sont très mal terminées. Malgré tout, c'est de Lexa qu'il s'agit. Une petite partie de moi continue à lui en vouloir pour ses mensonges, mais une autre ne peut s'empêcher de croire en elle.

- Tu vois quand tu veux, elle sourit.

- Tu ne m'as pas vraiment laissé le choix, je rétorque.

- Possible. Douche ou dodo ?

- Je n'ai plus de forces.

- Repose-toi alors. Je vais un peu travailler cette après-midi, mais tu n'hésites pas. Au moindre problème, tu m'appelles.

- Je vais mieux.

- Ce n'est pas pour autant que tu es totalement remise. Je suis sérieuse Clarke. Tu me le promets ?

- Promis, je murmure en me laissant retomber pour retrouver une position couchée.

- Essaye de dormir un peu maintenant. Ça ne te fera pas de mal.

Je vois bien qu'elle se retient de poser une question. Même dans mon état semi-comateux, j'arrive de temps à autre à lire en elle, comme en ce moment.

- Je t'écoute.

- Non, c'est bon ne t'inquiète pas.

- Tu vas y penser comme une dingue et moi aussi. S'il te plait, j'insiste face à son silence.

- D'accord. Mais tu n'es pas obligée de répondre si tu ne veux pas.

Elle remet une de mes mèches en place, sans doute pour se donner le temps de trouver ses mots.

- Est-ce que... les personnes qui venaient... tu sais, s'amuser avec toi... Tu en connaissais une en particulier ?

Je l'ai rarement vue aussi nerveuse. Elle qui a toujours l'air si sûre d'elle, semble assez déstabilisée.

- Non. Et je les voyais rarement plus d'une fois.

- Je vois... Alors qui était Finn ?

Je resserre presque instinctivement ma couverture. Evidemment, j'ai dû parler en dormant. Voir crier par moment vu les moments doux-amers qui accompagnent son souvenir.

- On peut en parler une autre fois, je demande timidement.

- Bien sûr. Pardon, tu dois être épuisée et je t'embête avec ma curiosité.

- Tu ne m'embêtes pas Lexa... C'est juste... compliqué.

- N'y pense plus. Essaye de faire de beaux rêves.

Elle m'embrasse doucement le front avant de s'éloigner définitivement. Son geste me surprend sur le moment mais je n'en montre rien. Sans doute la fatigue qui me retire mes capacités de réflexion.

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