Il y a des jours où le soleil se cache derrière les nuages, sans jamais laisser apparaitre un seul rayon. Il y a des jours où je me cache derrière des murs et des rideaux pour ne pas voir le soleil et oublier que j'existe. Ce matin, en me réveillant, j'entendais des bruits dans la cuisine, de casseroles, de cuisson, de robot mixeur. La soirée d'hier avait été mouvementée. Mes frères étaient rentrés plus tard que moi, peut-être qu'ils avaient dormi ailleurs. Les connaissant, tous les deux, ils étaient sans doute rentrés avec une fille. C'était dans leur habitude. Pas dans les miennes, pas vraiment non. J'avais quelques souvenirs de la soirée d'hier. J'avais trop bu de bières, j'ai passé quelques temps aux toilettes, et à attendre devant pour y aller. Mais j'ai pu observer les autres gens qui étaient dans le bar, regarder les gens, les détailler du regard.
C'est une de mes passions. J'ai détaillé mes frères danser, boire des verres avec leurs copains. J'ai détaillé quelques personnes de ma classe rire dans un petit coup, discuter, hors du temps, sous les néons bleus et rouges du bar. Mes amis étaient assis sur une petite banquette, au milieu, et se parlaient doucement en m'attendant. Puis mon regard s'est attardé plus longtemps à la table de mon frère ainé. Il avait une jolie blonde assise sur ses genoux, elle lui chuchotait des mots à l'oreille et je le voyais rigoler. A côté d'eux, il y avait un de ses amis, habillé en noir, ses cheveux bruns rasés très près du crâne. Il parlait avec un autre des amis de mon frère mais c'est le brun vêtu de noir qui captait toute mon attention. C'était lui qui habitait tous mes rêves depuis mon entrée dans ce pensionnat pour garçons où mes frères et moi étudions. C'était lui qui me passionnait des heures entières.
- Louis ? Tu te lèves ? J'ai préparé un brunch.
La voix de ma mère me tira de mes rêveries. Je lui répondais que j'arrivais et descendais de mon lit, ouvrant en grand les rideaux de ma chambre. Nous étions une grande famille, cinq garçons. Nous allions à l'école dans une ville aux alentours, à une heure de route. Notre père nous emmenait, Ethan, mon frère ainé et Tom, mon frère jumeau et moi, tous les lundi matins et venait nous chercher tous les vendredi soirs. C'était un lycée avec un internat, seulement pour les garçons, avec une éducation stricte et souvent liberticide. Disons que l'expression de nos passions était limitée. Ethan jouait au rugby, Tom était capitaine de l'équipe de basket. Moi, j'avais eu le droit de m'inscrire au cours de musique pour éviter les sports proposés dans ce lycée. Le violon et le piano étaient mes seules sources d'évasion. Disons qu'être un artiste n'était pas vraiment pas une bonne idée.
Je rêvais de partir de cet établissement, d'entrer en école d'art et pouvoir toucher à tout. Mais disons que mes parents avaient d'autres plans pour moi. Un artiste, dans la famille, n'était pas un métier. Ça ne me permettrait pas de nourrir ma famille, de subvenir aux besoins de mes futurs enfants. Cependant, j'avais laissé derrière moi l'idée d'avoir des enfants. Je ne suis pas sûr que ça me rendrait plus heureux ou ferait que ma vie est réussie. Ethan allait poursuivre ses études en économie et par la suite, sans doute reprendre l'entreprise de notre père. Tom était très doué en mathématiques et prévoyait de continuer ses études dans ce secteur-là. Je penchais, de mon côté plutôt pour la biologie et me voyais bien travailler avec les plantes, suivant les pas de ma mère qui elle-même était une botaniste de renom. Vu la taille de la serre à la maison, j'avais commencé jeune à suivre ma mère, à l'écouter me parler des plantes, à m'apprendre leurs noms et comment les entretenir.
Le lycée où nous étions était réputé pour former correctement de grands scientifiques ou des ingénieurs. Certains s'engageaient dans des études de médecine, devenaient chercheurs, et je crois que l'un des anciens élèves est même devenu astronaute. Le prestige et la renommée de l'école n'était plus à refaire. Pourtant, je ne m'y sentais pas à ma place, et tous les lundis, c'était la même horreur pour moi. Pris d'angoisses ou de panique, certaines fois, je rêvais d'y échapper. Mais jamais mon corps ne m'a fait cadeau d'une bonne grosse fièvre pour que je loupe une seule petite semaine. Je ne demandais pas grand-chose, juste être assez malade pour rater des cours et rester en dehors de cet enfer. Je n'étais pas harcelé, ni discriminé. Non, je jouissais d'une notoriété et personne n'oserait même me toucher un cheveu. Ethan était une célébrité dans l'école. Il était en dernière année et avait été clair dès notre premier pas dans cette école, lorsque nous sommes arrivés en première année, Tom et moi. Quiconque nous cherchait des noises aurait des ennuis avec lui.
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Corps de Soleil
Short StoryC'est une nouvelle. Une nouvelle histoire d'amour. Entre deux garçons rêvant de liberté derrière les murs austères d'un pensionnat. Louis aime Andréas. Andréas aime Louis. Et le soleil baigne leurs corps de ses rayons d'or...