- Je n'ai pris que les meilleurs, précise t-il.
- Je me doute.
Il énumère une liste de noms que je ne reconnais pas, ce qui est plutôt logique étant donné que je ne connais pas ses soldats, puis repose la feuille sur sa table. Je fronce les sourcils.
- Et nous ?
- C'est-à-dire ?
- Nous n'y allons pas ?
Il se lève tranquillement et va chercher un livre dans sa bibliothèque, qu'il trouve au bout de plusieurs secondes, puis revient s'asseoir au bureau un petit sourire au lèvres. Il feuillette ensuite les pages du vieux bouquin alors que je reste silencieuse, jusqu'a ce qu'il s'arrête dans ses mouvements et s'exclame :
- Sire, le roi n'est pas un sujet !
D'un mouvement, il me montre le titre du livre et l'auteur.
- Non, bien sûr que non nous n'y allons pas. Nous laissons faire les autres, et c'est tout privilège d'être... Roi.
- Nous restons à Palerme pendant que votre petite armée va cueillir Corelli à Venise ?
- C'est bien ça.
Je soupire et prend ma tête dans mes mains, puis je ferme les yeux. J'essaye d'imaginer les ébauches du plan mais ce n'est pas chose facile. Hier soir, Thaddeus n'a pas pu me présenter la liste - une affaire urgente, encore. Donc je suis aujourd'hui retour au domaine pour le cinquième jour de suite. Et notre charge de travail s'annonce tout à faire écrasante. Je ne peux surtout pas me faire à l'idée de rester ici alors que tout se déroule là-bas, que certains se feront massacrer, que Corelli risque de leur échapper... Je ne peux pas me faire à l'idée de rester ici, impuissante, aveugle et sourde pendant que l'action que j'ai attendu tout ma vie se déroule à mille quatre cent kilomètres de là !
- Je ne suis pas d'accord.
- Mais vous allez devoir l'être, sourit-il.
Son sourire est comme le grincement affreux d'une porte, ou comme le bruit déchirant nos tympans d'une craie sur un tableau noir. Je soupire et lui demande de continuer, résignée.
- Nous sommes en train d'établir le plan et cela va demander beaucoup de travail.
- Nous ? je questionne.
- Vous, moi et quelques-un de mes associés.
- Je ne vois pas ce que vos associés viennent faire dans cette affaire.
Cette fois, le petit rictus qu'il a toujours s'efface pour laisser place à un air fermé, en colère, et je me dis que je viens encore de fois de faire une erreur. Heureusement que je vais pouvoir retourner à l'hôtel bientôt pour me détendre parce qu'a chaque fois que j'arrive ici, je sais que je marche sur des coquilles d'oeufs.
- Arrêtez de commenter toutes mes actions. Ou continuez et vous le paierez de votre vie.
Je me mords la joue. C'est si difficile de supporter que quelqu'un en qui vous n'avez pas confiance aie à sa charge l'entièreté de l'affaire qui vous a maintenu en vie. C'est si difficile de supporter que quelqu'un d'autre que vous aie le contrôle, c'est si difficile de naviguer en eaux troubles les yeux bandés.
- L'équipe s'entraîne activement, m'informe t-il. Ils seront prêts.
Je me lève brusquement pour évacuer le stress et commence à faire les cent pas dans le bureau en me demandant si au final, tout cela sera assez, si je pourrais un jour accéder à des réponses que je cherche depuis des années.
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ULTRAVIOLENCE
RomanceViolence vit recluse à Carthage depuis trois ans, préparant le jour où elle ira à Palerme pour chercher des explications. Et ce jour est enfin venu. Thaddeus n'est pas le genre d'homme qui transpire la sécurité, la bienveillance ou l'amour. Plutôt...